Après trois réunions avec la Première ministre Élisabeth Borne et les chefs de la majorité à quelques heures d’un vote incertain à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites, le président français Emmanuel Macron a choisi de faire passer jeudi sa réforme controversée des retraites sans le vote de l’Assemblée nationale.
Qu’est ce le 49.3 ?
Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution de la Cinquième République française confère à l'État une arme redoutable dans les débats parlementaires. Alors que les autres alinéas définissent la déclaration de politique générale, la motion de censure et l'approbation de la politique par le Sénat, le ".3" donne au Premier ministre la possibilité, après délibération du conseil des ministres, d'engager la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale.
Ainsi, le Premier ministre peut décider seul de l'adoption d'une loi sans passer par les députés, ce qui est utilisé lorsque le gouvernement estime que sa majorité est insuffisante pour faire adopter son projet de loi.
C'est un outil puissant pour le gouvernement car il permet d'aller plus vite dans l'adoption des lois, sans avoir besoin de négocier avec les différents groupes politiques représentés à l'Assemblée. Cependant, l'utilisation du 49.3 est souvent considérée comme un geste de force et peut être mal perçue par l'opposition et une partie de l'opinion publique.
Comment peuvent réagir les députés ?
Dans cette situation, les députés disposent d'un seul moyen pour s'opposer au recours à l'article 49.3 : la motion de censure prévue par l'article 49.2.
La Constitution précise qu'elle doit être déposée dans les 24 heures suivant l'engagement de la responsabilité du gouvernement et être votée dans les mêmes conditions que précédemment, c'est-à-dire être signée par un dixième des membres de l'Assemblée nationale, soit 58 députés, et recueillir une majorité d'approbation, soit 289 députés. Si la motion de censure obtient la majorité, le gouvernement est renversé.
Dans la plupart des cas où l'article 49.3 a été utilisé, l'opposition a déposé une motion de censure, mais à chaque fois, cette dernière a été rejetée.
Combien de fois a-t-il été utilisé ?
Le recours au 49.3 a souvent été employé pendant la Ve République, avec un total de 100 utilisations depuis 1958 pour permettre l'adoption de projets de loi sans vote des députés. Michel Rocard, qui a occupé le poste de Premier ministre de mai 1988 à mai 1991, détient le record avec 28 utilisations pour 13 textes différents. Ce mécanisme a été utilisé notamment pour faire adopter la loi créant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la réforme hospitalière.
En revanche, Jean-Marc Ayrault (2012-2014) et François Fillon (2007-2012) ne l'ont jamais utilisé. Lionel Jospin (1997-2002) n'a pas non plus eu recours à cette disposition durant la cohabitation avec Jacques Chirac
Le gouvernement d'Elisabeth Borne, qui ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, a régulièrement eu recours au 49.3 ces derniers mois, l'ayant utilisé à onze reprises.
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, l'article 49.3 ne peut être utilisé qu'une fois par session parlementaire sur un projet de loi budgétaire et un seul autre type de texte.
Cependant, une fois que le Conseil des ministres l'a autorisé, le Premier ministre peut l'utiliser à chaque lecture successive du même projet devant l'Assemblée nationale.