L'idée d'une zone démilitarisée autour de ce site du sud-est de l'Ukraine occupé depuis mars par les Russes semble avoir vécu après des mois d'échanges infructueux.
Rafael Grossi, qui a passé quelques heures sur place avant de retourner dans les territoires sous contrôle ukrainien, veut donc désormais travailler sur des "principes" à même de minimiser le risque de "catastrophe" nucléaire.
Alors qu'il prônait jusque-là la mise en place d'une zone de sécurité pour protéger la centrale, le patron de l'AIEA a indiqué qu'il se focalisait désormais sur des mesures de protection spécifiques à même d'être acceptées par les deux camps.
"Il est important de s'assurer qu'il n'y a pas d'attaques. J'essaie de mettre sur la table des propositions réalistes, viables, pouvant être acceptées par tous", a déclaré Rafael Grossi lors d'un point de presse dont Reuters a consulté l'enregistrement.
"C'est une centrale nucléaire, pas une base militaire. Cela ne doit jamais devenir une base militaire", a-t-il dit. "Il est évident que l'activité militaire s'est accrue dans toute la région. La centrale ne peut donc être protégée".
"J'essaie de préparer et de proposer des mesures réalistes qui seront approuvées par toutes les parties", a-t-il dit aux journalistes.
"L'idée est de s'entendre sur certains principes, certains engagements, dont ne pas attaquer la centrale", a ensuite déclaré M. Grossi, priant une fois encore Moscou de ne pas y entreposer des équipements militaires.
"L'activité militaire est à la hausse dans toute cette région" avec notamment une "augmentation significative du nombre des soldats", avait-il auparavant regretté.
Le chef de l'AIEA mène depuis des mois des consultations pour protéger la centrale et la zone avoisinante, régulièrement touchées par des frappes qui entraînent des coupures de courant à répétition, laissant craindre un accident nucléaire.
Avant même sa visite, l'éventualité d'une percée diplomatique avait été balayée par un conseiller de la direction de l'opérateur russe Rosenergoatom.
"Nous sommes loin d'avoir l'illusion que la visite de Grossi puisse radicalement changer les choses", avait confié à l'agence de presse Tass Renat Kartchaa.
"Jouer avec le feu"
L'Ukraine et la Russie s'accusent mutuellement d'avoir compromis la sécurité des réacteurs nucléaires en bombardant les abords de la centrale, située près de la ligne de front dans l'est de l'Ukraine.
Des soldats russes stationnés sur le site de la centrale lors de la visite de M. Grossi, mercredi, ont dit à l'AFP qu'ils se préparaient à une éventuelle attaque ukrainienne.
Leur tâche principale est "d'empêcher une prise de contrôle armée" du site par des "saboteurs" ukrainiens, a déclaré un des soldats aux journalistes. Kiev nie avoir de tels projets.
L'Ukraine estime que seul un retrait russe de la centrale de Zaporijjia permettrait de garantir la sécurité nucléaire. Quant à la Russie, qui refuse tout départ d'un territoire dont elle revendique l'annexion, elle accuse Kiev de vouloir reprendre ce site par la force, au mépris du risque encouru.
Le 22 mars, M. Grossi avait averti que la centrale se trouvait dans un "état précaire" car, selon l'AIEA, la "dernière ligne électrique de secours", endommagée le 1er mars, reste "déconnectée et en réparation". Or l'électricité est essentielle pour faire tourner les pompes assurant la circulation d'eau afin de refroidir le combustible et éviter un accident comme celui de Fukushima, au Japon, en 2011.
Le 9 mars, la gigantesque centrale avait été coupée du réseau électrique ukrainien pendant 11 heures après une frappe russe. Des générateurs diesel de secours avaient été enclenchés pour fournir une alimentation minimale des systèmes de sécurité.
"On joue avec le feu", avait prévenu M. Grossi.
Le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell avait accusé la Russie de mettre "en danger la sécurité de la totalité du continent européen".
La Russie revendique l'annexion de la région de Zaporijjia, où se trouve la centrale et en occupe une partie. Elle accuse depuis plusieurs jours l'Ukraine d'y multiplier les frappes et les attentats.
Mercredi, les autorités russes ont fait état de bombardements à Melitopol, le chef-lieu de la région occupée. Selon elles, un dépôt de locomotives a été touché mais il n'y a pas eu de victimes.