Alors que Le Pen et Macron ont qualifié d’anti-démocratiques les manifestations "Ni Macron Ni Le Pen", plaidoyer pour un comportement électoral qui consiste à voter dans le seul but de faire barrage au candidat opposé soulève également des interrogations quant à l’essence de ce processus consultatif de masse.
Macron l’a, d’ailleurs, soulevé dans son discours après le premier tour des élections présidentielles, quand il a reconnu sans ambages qu’une partie de l’électorat votera pour lui, non pas par conviction pour son programme, mais pour empêcher Le Pen de s’installer à l’Elysée.
S’agit-il ici d’une reconnaissance qu’une partie des Français renoncera à ses attentes réelles puisque le choix ne se fait de plein gré mais plutôt par défaut ?
"Je soutiens les étudiants qui manifestent à 100% car là je me sens obligée de voter pour Macron pour que Le Pen ne passe pas; et pourtant, au premier tour, jamais je n’aurais voté pour lui", a confié à TRT Français Sarah, 22 ans et étudiante en Master MEEF à Lyon.
Lucie, 24 ans, jeune diplômée en psychologie, reconnaît elle-aussi avoir "voté par défaut" non par conviction.
"Vu les sondages avant le premier tour, je n’ai pas cherché à voter au candidat qui avait un programme qui me correspondait bien, mais plutôt à un candidat qui avait un potentiel de passer au second tour pour empêcher Le Pen", a-t-elle dit.
Considérant les manifestations étudiantes comme un "signe d’alerte", Sarah estime avec une pointe d’amertume que "voter au second tour --comme disent la plupart-- c’est choisir entre la peste et le choléra (…) voter pour quelqu’un afin de voter contre quelqu’un, est-ce vraiment une démocratie ? Que ce soit Le Pen ou Macron qui l’emporte au deuxième tour, il s’agira d’une victoire mais peut-être seulement le quart des Français auront voté par adhésion, le reste aura voté pour faire barrage".
Et de s’interroger si "notre futur président sera choisi par seulement 25% des citoyens et les 75% autres on en fait quoi ?"
Selon les estimations Ifop, 41 % des 18-24 ans n'ont pas voté au premier tour des élections présidentielles.
Tendance confirmée par une enquête réalisée par Harris Interactive pour l'Institut Montaigne auprès de 8.000 jeunes âgés de 18 à 24 ans, selon laquelle 34 % estiment que "voter ne sert pas à grand-chose car les responsables politiques ne tiennent pas compte de la volonté du peuple".
Les jeunes se disent concernés par l’écologie, les inégalités sociales, la violence et considèrent que ces sujets ne sont pas traités suffisamment par les politiciens. Cette rupture entre les préoccupations de jeunes et les programmes de politiciens expliquerait en partie leur absentéisme, qu'ils considèrent comme une forme de protestation plutôt qu'un désengagement. Le mode d'expression politique des jeunes n'est plus le vote, comme l’entend la vision établie de la démocratie, mais plutôt à travers des mobilisations massives comme les manifestations ou les blocages d’établissement scolaires pour contester des réformes, mais aussi sous forme de boycott et de pétitions.
Pour Sarah "Les jeunes ne votent pas car ils en ont marre de toujours voter pour le moins pire, ils n’ont pas de candidat qui leur correspond réellement".
De son côté, Lucie se sent dévalorisée par les politiciens. "Je pense que les jeunes ne votent pas car ils n’ont pas l’impression d’être pris en considération, d’être écoutés; le futur nous appartient à nous les jeunes mais les candidats nous font ressentir un sentiment de dévalorisation qui se reflète à mon avis lors des élections", explique-t-elle.
Lucie estime, par ailleurs, que l’absentéisme doit être pris en compte dans les résultats, et considère que ne pas voter est l'une des manières de manifester.
« Je pense que l’absentéisme doit être pris en considération lors des dépouillements, car voter en tant que citoyen est notre première arme afin de nous manifester. Le fait de s’absenter lors d’une élection présidentielle signifie beaucoup de choses, et doit bien sûr être pris en considération dans les résultats; si le taux d’absentéisme est élevé cela devrait nous pousser à nous remettre en question car c’est peut-être par ce moyen-là qu’on préfère se manifester", lance-t-elle.