Cet intime d’Emmanuel Macron était suspecté d’avoir profité de ses fonctions à la tête des Mutuelles de Bretagne, un organisme privé mutualiste, pour permettre à une proche d’acquérir un immeuble à moindre frais. / Photo: Reuters (Reuters)

La décision présidentielle concernant Richard Ferrand apparaît comme un premier héritage pour le chef de l'État, puisque le futur président du Conseil constitutionnel qui succédera à Laurent Fabius sera en poste jusqu'en 2034, bien après la fin de son propre bail à l'Élysée.

Cette nomination est d'autant plus politiquement sensible que personne dans la classe politique française n'exclut plus la possibilité de l'accession au pouvoir de Marine Le Pen, la cheffe de file du Rassemblement national dans les prochaines années.

Le choix par Emmanuel Macron d'un proche suscite des critiques dans la classe politique.

"Sur le fond, il faut effectivement des gens capables de résister à un changement de régime. Ce n'est pas neutre", explique à l’AFP une source au fait des nominations.

Mais "si c'est un très proche d'Emmanuel Macron qui est nommé président du Conseil constitutionnel, je pense que les Français pourront légitimement s'interroger sur l'indépendance de cette instance", s’est indignée de son côté la députée du RN Edwige Diaz.

Affaire des Mutuelles de Bretagne

Richard Ferrand est un macroniste de la première heure. Membre du Parti socialiste pendant 37 ans, il est le premier parlementaire à rejoindre le mouvement En Marche, dont il devient le secrétaire général en 2016.

Suite à l'élection d'Emmanuel Macron un an plus tard, il quitte officiellement le Parti socialiste et devient ministre de la Cohésion des territoires.

Un poste qu'il n'occupera finalement que quelques semaines, l'affaire des Mutuelles de Bretagne, pour laquelle il avait obtenu un non-lieu au bénéfice de la prescription, lui ayant coûté sa place au sein du gouvernement.

Cet intime d’Emmanuel Macron était suspecté d’avoir profité de ses fonctions à la tête des Mutuelles de Bretagne, un organisme privé mutualiste, pour permettre à une proche d’acquérir un immeuble à moindre frais.

Selon une enquête, l’ex-député du Finistère a signé à la fin de 2010, au nom de sa compagne Sandrine Doucen, un compromis pour acheter un immeuble, assorti d’une clause conditionnant l’achat du bien à la promesse de sa location par les Mutuelles de Bretagne, dont M. Ferrand a été le directeur général de 1998 à 2012.

Une fois cette location approuvée, Mme Doucen avait pu finaliser la transaction et emprunter la totalité des fonds nécessaires. Les lieux avaient par la suite été rénovés par l’organisme mutualiste, qui bénéficie de subventions publiques, à hauteur de 250 000 euros.

Mis en examen en 2019 par trois juges d’instruction lillois pour prise illégale d’intérêts, M. Ferrand avait saisi la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai, considérant les faits prescrits ; un délai de trois ans s’appliquant dans cette affaire.

En mars 2021, cette chambre lui avait offert une première victoire judiciaire, retenant que les faits, commis entre 2010 et 2012, étaient prescrits depuis 2014 (trois ans après la signature du bail) ou 2015 (trois ans après sa démission des Mutuelles).

Richard Ferrand prendra ensuite la présidence du groupe LREM à l'Assemblée nationale, et succèdera, l'année suivante, à François de Rugy à la présidence de l'Assemblée nationale. En 2022, il est battu aux élections législatives dans la 6e circonscription du Finistère.

N'ayant plus de mandat, il crée sa société de conseil, mais garde l'oreille du président, malgré un retrait apparent de la vie politique.

"Il a quand même été un peu abîmé par les polémiques", souligne un député, rappelant cette affaire judiciaire qui lui avait coûté sa place de ministre.

Trois candidats

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et son homologue du Sénat, Gérard Larcher, ont également procédé à une proposition de nomination chacun : l'ex-députée MoDem (centre) et ex-magistrate Laurence Vichnievsky pour la première, le sénateur Les Républicains (droite) Philippe Bas pour le second.

Une fois annoncées, les trois personnalités devront passer le cap de l'audition parlementaire. Celles-ci sont programmées le 19 février.

Laurence Vichnievsky sera auditionnée par la Commission des Lois du Palais-Bourbon, Philippe Bas par celle du Palais du Luxembourg.

Épée de Damoclès : leur candidature sera recalée si trois cinquièmes des commissionnaires s'y opposent.

M. Ferrand devra, pour sa part, convaincre dans les deux chambres, une mission ardue à l'Assemblée où le camp macroniste est loin d'être majoritaire.

Candidat du président de la République, dans le contexte actuel c'est déjà une difficulté", estime une députée macroniste, pessimiste sur l'issue du vote.

TRT Français et agences