Michel Barnier avait pris la parole, moins pour dissuader les élus de voter la censure que pour prendre date en cas de renversement de son gouvernement. / Photo: Reuters (Reuters)

Michel Barnier est arrivé ce matin au palais de l'Elysée. Le président français Emmanuel Macron s'adressera de son côté aux Français, jeudi à 20H00 (19H00 GMT). Le gouvernement a été renversé hier soir par une majorité de députés. 331 ont voté oui à la motion de censure déposée par La France insoumise.

L’allocution du président Macron est nécessaire tant la crise politique est profonde depuis la dissolution surprise de l'Assemblée nationale en juin voulue par M. Macron, après la déroute de son camp aux européennes face à l'extrême droite.

L'agence de notation Moody's estime que la chute du gouvernement de Michel Barnier, "réduit la probabilité d'une consolidation des finances publiques" de la France et "aggrave l'impasse politique du pays".

"Ce vote reflète l'environnement politique fracturé du pays" et "cet événement est négatif pour le crédit", soit la note du pays, indique Moody's, une des trois agences de notation mondiales, dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi à jeudi.

La chute du gouvernement inquiète les milieux financiers

Les législatives anticipées qui ont suivi la dissolution ont abouti à la formation d'une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), et aucun de ces blocs ne dispose de la majorité absolue. Après 50 jours de tractations, un gouvernement de droite et du centre avait finalement été nommé, début septembre.

À peine trois mois plus tard, celui-ci se retrouve, donc, balayé par l'Assemblée. C’est la première fois qu’un gouvernement est renversé par une motion de censure en France depuis 1962. C’est aussi un triste record pour l'exécutif sortant : jamais un gouvernement n'avait été aussi éphémère durant la Ve République française, proclamée en 1958.

Le coup est d'autant plus dur pour le pouvoir que la censure a été votée largement, après trois heures et demie de débats très agités dans un hémicycle comble, par 331 voix, quand 288 étaient requises.

Pour parvenir à ce résultat, les parlementaires de gauche et du parti d'extrême droite Rassemblement national, ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur des questions budgétaires, alors que la France est très fortement endettée.

Le parti de gauche, La France insoumise (LFI), a aussitôt réclamé la démission du chef de l'État. La présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, a demandé à "Emmanuel Macron de s'en aller", appelant à "des présidentielles anticipées".

La "réalité" de la dette

La cheffe de l'extrême droite française Marine Le Pen a semblé plus mesurée dans sa première réaction, assurant qu'elle laisserait "travailler" le futur chef du gouvernement pour "co-construire un budget acceptable pour tous". "Je ne demande pas la démission d'Emmanuel Macron", a-t-elle encore lancé.

Élu en 2017 et réélu en 2022, le chef de l'Etat, dont le mandat va jusqu'en 2027, a par avance qualifié de "politique fiction" les appels à sa démission. Il a affirmé, mardi, qu'il comptait servir son mandat "jusqu'à la dernière seconde".

Tout juste rentré d'une visite d'Etat en Arabie saoudite, Emmanuel Macron, au plus bas dans les sondages, doit désormais désigner un nouveau Premier ministre, ce qu'il compte faire rapidement, selon plusieurs de ses proches.

Mais tant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s'entendre ensuite sur un nouveau gouvernement de coalition.

Des élus divisés

Marine Le Pen, triple candidate malheureuse à l'élection présidentielle, dont deux fois face à M. Macron, a, elle, les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel prévu en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars. Elle risque cinq ans d'inéligibilité avec effet immédiat pour un détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.

La France doit, toutefois, rapidement disposer d'un exécutif, car sa situation financière est difficile. Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l'automne 2023, le déficit public ratera son objectif de 5% en l'absence de budget, et l'incertitude politique pèsera sur le coût de la dette et la croissance.

Peu avant le vote condamnant son gouvernement, Michel Barnier avait pris la parole, moins pour dissuader les élus de voter la censure que pour prendre date en cas de renversement de son gouvernement.

La France débourse 60 milliards d'euros par an pour payer les intérêts de sa dette, soit plus que le budget consacré à sa défense ou à son enseignement supérieur, avait-il rappelé. Et d'avertir : "On peut dire ce qu'on veut, c'est la réalité. Croyez-moi : cette réalité ne disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure".

TRT Français et agences