La question palestinienne n’est plus une question géopolitique prioritaire depuis quelques années et encore moins depuis le conflit en Ukraine. Pourtant, la colonisation israélienne continue au vu et au su de tous. C’est dans ce contexte que les factions palestiniennes ont validé un accord important à Alger il y a quelques jours, dans lequel est affirmé le projet d’organiser des élections présidentielles et du conseil législatif palestinien en 2023.
En quoi l'accord de réconciliation conclut entre les factions palestiniennes peut-il changer la donne en Palestine?
Je ne crois pas qu'il change la donne. Pour être honnête, je crois que c'est une nouvelle tentative et il faut en remercier les autorités algériennes. Mais ce n'est pas la première et sans doute pas la dernière. Il y a quand même aujourd'hui un fossé très profond, notamment entre le Fatah et le Hamas. Je ne pense pas qu'il puisse être comblé aussi rapidement. Et pourtant, la division palestinienne est un des facteurs qui aide considérablement le projet colonial israélien à se mettre en œuvre devenant une annexion rampante depuis Trump. Si je pouvais ajouter un commentaire, j'ai l'impression personnellement que le problème est moins entre le Fatah et le Hamas et les autres factions qu'entre toutes ces factions et la population palestinienne. Ce qu'on a vu au printemps de 2021 l’atteste, quand il y a eu ce grand soulèvement de la jeunesse palestinienne à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza, on a senti que cette révolte palestinienne était dirigée bien sûr contre Israël mais aussi contre les responsables palestiniens. Et quand Mahmoud Abbas a pris la décision de reporter les élections législatives et présidentielles qui étaient prévues à l'été 2021, on a su qu'il avait provoqué une colère très profonde au sein de la population et elle n'est pas retombée. Je crois que nous nous trouvons dans une situation où en Cisjordanie, mais aussi d'une certaine manière à Gaza, les deux pouvoirs palestiniens (Fatah et Hamas) ne peuvent plus se présenter comme des pouvoirs de résistance. Donc il y a une volonté chez les Palestiniens de renouveau et de changement du leadership.
Dans cette déclaration d'Alger, il y a un point qui nous ramène sur la scène politique palestinienne, c'est la tenue d'élections pour la présidence et pour le renouvellement du Conseil législatif palestinien en octobre 2023. Est-ce que cette perspective, cet agenda politique plus clair, peut résorber le fossé que vous observez entre la classe politique et le peuple palestinien ?
La seule issue, ce sont des élections, à condition évidemment qu'elles soient autorisées par l'occupant israélien et organisées de manière honnête et transparente. Il faudra sûrement des observateurs internationaux pour permettre à la fois d'imposer le scrutin à Israël et d'imposer aux factions palestiniennes le respect du vote des Palestiniens. Ce qui m'avait frappé en 2021, lorsque Mahmoud Abbas avait reporté les élections, c'est que 93 % des Palestiniens étaient inscrits sur les listes. Il y avait une volonté de voter pour imposer le changement avec l'arrivée au pouvoir d'une génération plus jeune que celle de Mahmoud Abbas. Il faut absolument que la communauté internationale s'en mêle pour organiser ce vote et permettre le renouvellement politique souhaité par le peuple palestinien. Que pensez-vous de la déclaration du gouvernement de Yaïr Lapid à l’ONU sur la solution à deux Etats ?
Ecoutez, Lapid est le roi du double jeu ! Son gouvernement se présentait à l'époque, en juin 2021, comme celui du changement mais il n'a rien changé en ce qui concerne la Palestine. Son gouvernement tue plus qu'aucun gouvernement israélien depuis longtemps. Aujourd'hui, nous en sommes à 179 Palestiniens assassinés, dont une cinquantaine de jeunes mineurs. Depuis le 1ᵉʳ janvier de cette année, on a quasiment aujourd'hui un Palestinien tué par jour. Ça, c'est Lapid ! Alors je veux bien qu'il soit pour deux Etats mais, pour l'instant, il est surtout pour une répression sans précédent en profitant de l'Ukraine. Comme toujours, les dirigeants israéliens ont profité des situations de crise ou de guerre ailleurs. La guerre en Ukraine, avec ses crimes de guerres, a pour conséquence de marginaliser la question palestinienne. Il faut évidemment être solidaire des Ukrainiens parce qu'après tout ce qu'ils défendent, c'est la même chose que les Palestiniens : le droit à l'autodétermination, le droit à l'indépendance, le droit de vivre en paix et en sécurité. Au final, je ne dirais pas qu'on parle trop de l'Ukraine mais plutôt qu'on ne parle pas assez et bien de la Palestine.
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