La Finlande et la Suède envisagent d'adhérer à l'OTAN à la suite des attaques de la Russie contre l'Ukraine, une décision qui, selon Moscou, aura « de graves conséquences militaires et politiques ».
Malgré les avertissements de la Russie, une enquête de la société de radiodiffusion finlandaise Yle a révélé que 53 % des Finlandais soutiennent l'adhésion de la Finlande à l'OTAN, 28 % étant contre et 19% incertains.
« Le résultat est historique, car jamais auparavant il n'y a eu autant de soutien pour l'adhésion à l'OTAN en Finlande », explique Yle.
Alors que les pays non alliés commencent à changer leur attitude générale envers l'OTAN, voyons ce que signifie être membre de l'OTAN et quels sont ses trois principaux avantages et défis potentiels :
1. La défense collective
L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est une alliance entre 30 pays membres indépendants d'Amérique du Nord et d'Europe, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie.
La Macédoine du Nord a été la dernière à s'être jointe en 2020.
Elle a été fondée en 1949, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour contrer « la menace posée à l'époque par l'Union soviétique » et « assurer la paix en Europe ».
Aujourd'hui, du terrorisme et du trafic de drogue aux conflits et à la cyberguerre, les nombreux défis et menaces mondiaux sont trop importants pour qu'un seul pays puisse s'y attaquer seul. L'OTAN promeut donc la « défense collective ».
Son principe essentiel est « une attaque contre un Allié est considérée comme une attaque contre tous les Alliés ».
Bien qu'il n'y ait pas d'« armée de l'OTAN », les États membres peuvent contribuer aux activités et aux opérations mondiales de l'Alliance sous différentes formes et à différentes échelles.
De quelques soldats à des milliers de soldats, et des véhicules blindés, navires de guerre ou hélicoptères à toutes les formes d'équipement ou de soutien, médical ou autre…
Chaque pays contrôle sa propre force armée et est responsable des coûts de ses contributions à l'OTAN, mais en se tenant ensemble contre les menaces extérieures, les systèmes de défense et de sécurité globaux de la région sont renforcés.
L'OTAN dispose actuellement de quatre groupements tactiques multinationaux en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne, qui ont un effet dissuasif sur d'éventuelles attaques extérieures.
Ces quatre groupements tactiques sont dirigés par le Royaume-Uni, le Canada, l'Allemagne et les États-Unis, avec un nombre total d’environ 4 957 troupes.
« Ces actions démontrent la solidarité, la détermination et la capacité des Alliés à défendre le territoire et les populations de l'Alliance », a déclaré l'OTAN.
À la suite des attaques de la Russie contre l'Ukraine, les Alliés de l'OTAN ont convenu d'établir quatre autres groupements tactiques multinationaux en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie.
« Cela porte à huit le nombre total de groupements tactiques multinationaux, s'étendant tout le long du flanc oriental de l'OTAN - de la mer Baltique au nord à la mer Noire au sud », ajoute l'OTAN.
L'OTAN établit également des partenariats avec l'Union européenne, les Nations Unies et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en vue de s'attaquer à d'autres problèmes mondiaux tels que la crise des réfugiés.
2. Promouvoir le dialogue, le consensus
En reliant les pays européens et nord-américains, l'Alliance crée une plateforme de dialogue et de coopération outre-Atlantique.
L'OTAN affirme qu'elle vise à promouvoir la coopération entre ses membres et à protéger leur liberté en engageant les Alliés « à la démocratie, à la liberté individuelle et à l'État de droit, ainsi qu'au règlement pacifique des différends ».
Elle le fait au sein de son Conseil de l'Atlantique Nord (CAN), dont chaque Allié est membre et dont les décisions sont prises par consensus.
En d'autres termes, les pays doivent voter à l'unanimité sur une décision pour qu'elle soit promulguée, comme l'adhésion d'un nouveau membre.
« Il n'y a aucune obligation pour chaque membre de contribuer, sauf s'il s'agit d'une opération de défense collective au titre de l'article 5, auquel cas les attentes sont différentes », explique l'OTAN.
Cependant, une mise en garde à l'arrivée de nouveaux membres de l'OTAN signifie qu'un consensus entre tous les Alliés sera plus difficile à atteindre.
L'OTAN étend également la coopération aux non-membres en accordant à certains pays un statut connu sous le nom d’EOP ("Enhanced Opportunities Partnership", ou opportunités de coopération renforcée). Ce sont des pays non membres qui ont « apporté des contributions importantes aux opérations et missions dirigées par l'OTAN ».
Par exemple, l'Ukraine a été reconnue comme partenaire après avoir « fourni des troupes aux opérations alliées, notamment en Afghanistan et au Kosovo, ainsi qu'à la Force de réaction de l'OTAN et aux exercices de l'OTAN ».
L'Australie, la Finlande, la Géorgie, la Jordanie et la Suède font partie des pays partenaires non membres.
3. Diffuser la démocratie
L'OTAN a une « politique de la porte ouverte » qui stipule que l'adhésion est ouverte à tout « État européen en mesure de promouvoir les principes » de son traité de l'Atlantique Nord et « de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord ».
Cependant, pour adhérer, les pays doivent répondre à certains critères politiques, économiques et militaires, qui « incluent un système politique démocratique fonctionnel basé sur une économie de marché » et « un engagement à résoudre les conflits pacifiquement ».
Certaines études affirment que ce critère d'adhésion « peut en effet étendre la démocratie aux membres potentiels » et conduire à une plus grande stabilité en Europe.
Toutefois, d'autres ne sont pas d'accord, ajoutant que « les archives historiques - pendant et après la guerre froide - ne permettent pas d'établir une quelconque corrélation entre l'adhésion à l'OTAN et l'expansion de la démocratie ».
Les critiques soutiennent également que les coûts et les risques de l'élargissement de l'OTAN dépassent ses avantages potentiels, avertissant que l'ajout de nouveaux membres pourrait accroître les tensions avec la Russie et diminuer la probabilité d'une coopération sur les problèmes mondiaux.
Alors, quels sont les inconvénients possibles d'une adhésion à l'OTAN ?
1. Tensions avec la Russie
Le chef d’Etat russe Vladimir Poutine a averti pendant des années que Moscou résisterait à une nouvelle expansion de l'OTAN dans les pays limitrophes, la considérant comme une menace directe pour son pays.
Les États ex-soviétiques tels que l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, sont déjà membres de l'OTAN, et l'Ukraine et la Géorgie sont des partenaires non membres.
John Feffer, directeur de Foreign Policy In Focus à l'Institute for Policy Studies, affirme que l'expansion de l'OTAN « provoque inutilement la Russie ».
Il a fait savoir en 1996 que si davantage de pays rejoignaient l'OTAN et que les responsables russes s'y opposaient, alors l'expansion « n’augmentera pas, mais réduira la sécurité dans la région ».
« L'expansion est un acte agressif qui menace de défaire des décennies de coopération en matière de sécurité et de faire pencher la Russie vers une alliance anti-occidentale avec la Chine ou... l'Irak », a-t-il déclaré en 1996.
2. Dépendance financière envers les États-Unis
Les Alliés de l'OTAN ont convenu en 2014 de consacrer au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense « pour assurer la préparation militaire de l'Alliance », mais la majorité des membres n'ont pas atteint l'objectif.
Selon l'OTAN, les Alliés non américains dépensent ensemble moins de la moitié de ce que les États-Unis dépensent pour la défense. Le volume des dépenses de défense des États-Unis représente environ les deux tiers des dépenses de défense de l'Alliance dans son ensemble.
Les critiques soutiennent que cette dépendance excessive pourrait rendre les États-Unis trop influents dans la politique européenne et que les Alliés devraient atténuer cet effet en investissant et en construisant leurs propres systèmes de sécurité et de défense.
À la suite des attaques de la Russie contre l'Ukraine, plusieurs pays de l'OTAN, comme l'Allemagne, ont promis d'augmenter leurs dépenses de défense.
Un autre fardeau économique pour les nouveaux membres est que les pays peuvent avoir à changer leur équipement militaire pour répondre aux normes de l'OTAN.
Toutefois, l'OTAN soutient que cette normalisation est utile à la communauté d'Europe de l'Est en permettant « une utilisation plus efficace des ressources » et améliore ainsi « l'efficacité opérationnelle de l'Alliance ».
« La capacité à travailler ensemble est plus importante que jamais pour l'Alliance. Les États doivent partager un ensemble commun de normes, en particulier entre les forces militaires, pour mener des opérations multinationales », explique l'OTAN à propos de sa normalisation.
3. Entraîné dans le conflit
Si l'engagement de défense collective de l'OTAN protège les Alliés, cela signifie également que les membres peuvent être contraints à contrecœur de se joindre à un conflit si un autre Allié est attaqué.
Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, l'OTAN a invoqué l'article 5 pour la première fois de son histoire, s'engageant à soutenir les Alliés actuels de l'époque contre le terrorisme international.
Dans le cadre de l'opération Eagle Assist, des avions de l'OTAN ont patrouillé dans le ciel des États-Unis pendant sept mois après l'attaque. Et dans le cadre de l'opération Active Endeavour, des forces navales de l'OTAN ont été envoyées en Méditerranée orientale pour mener des activités de contre-terrorisme.
Les critiques disent qu'à mesure que le nombre de pays rejoignant la coalition augmente, le risque d'être entraîné dans davantage de conflits augmente en parallèle pour les Alliés.
Actuellement, si le conflit en Ukraine s'étend aux territoires de l'OTAN, les pays alliés devront s'impliquer directement, ce qui aggravera encore les tensions en une véritable guerre.
« Nous sommes obligés de traiter une attaque contre l'Estonie comme s'il s'agissait d'une attaque contre Chicago », a déclaré à NPR, le professeur Mary Elise Sarotte de l'Université Johns Hopkins. « Donc, s'il y a une incursion de l'article 5, cela pourrait très rapidement devenir non pas la guerre de l'Ukraine, mais notre guerre. »