Emmanuel Macron est-il le rédacteur en chef des rédactions parisiennes ? C’est la questions qu’ont dû se poser plusieurs journalistes en apprenant que celui-ci avait convoqué plusieurs éditorialistes -travaillant dans les plus grands médias de la place - afin de leur "distiller la bonne parole".
C’est ce qu’à révélé la journaliste Eve Roger dans sa chronique "La fabrique politique" de l’émission C médiatique sur France 5, rendant publique une newsletter de Politico. Elle dévoile notamment les coulisses de ce déjeuner censé "rester secret".
"Deux jours avant la journée d'action, c'était mardi, la communication de l'Élysée organise une petite rencontre dont elle a le secret, c'est-à-dire un déjeuner avec le Président et dix éditorialistes de la presse parisienne, convoqués à peine 24 heures avant", écrit-elle dans sa chronique, avant de révéler les noms des convives :
"On y trouve Guillaume Tabard, du 'Figaro', Dominique Seux de France Inter et des 'Échos', Françoise Fressoz du 'Monde' ou encore Nathalie Saint-Cricq de France Télévisions".
Selon la journaliste, l’objectif de l’Elysée était qu’Emmanuel Macron "distille la bonne parole, donne lui-même les éléments de langage aux dix journalistes les plus influents de la presse parisienne afin que la parole présidentielle infuse dans l'opinion et pourquoi pas l’influence". En gros, ce que souhaitait le président, c’est une couverture médiatique reprenant son champs lexical, juste avant la mobilisation contre sa réforme, et sans passer par une conférence de presse avec des questions qui dérangent.
Pour vérifier si l’influence d’Emmanuel Macron avait fonctionné, elle a analysé les articles ou vidéos publiés par ces médias. L’élément de langage qu’elle a ainsi retrouvé partout c’est "l’irresponsabilité". Comprenez, l’irresponsabilité des manifestants et des personnes opposées à cette réforme. La phrase exacte qu’elle a retrouvée dans plusieurs médias c’était "Emmanuel Macron ne croit pas en la victoire de l’irresponsabilité".
Ainsi, l'éditorialiste et chef du service politique de France Inter, Yaël Goosz, a titré : "Mobilisation contre la réforme des retraites : Macron ne croit pas à 'la victoire de l'irresponsabilité'". "Idem dans 'La matinale du Monde'", et même refrain sur BFMTV où Benjamin Duhamel utilise un vocabulaire identique. "Dans tous les cas, les journalistes prennent des libertés avec la vérité, ce qui ne manque pas de poser des questions éthiques", a conclu Eve Roger.
Des méthodes qui n’ont pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux, notamment des journalistes qui ont vivement critiqué ces méthodes. Parmi eux le directeur de Médiapart, Edwy Plenel, qui fustige ce qu’il qualifie de "journalisme de gouvernement".
"Ce déjeuner confidentiel à l'Élysée d'éditorialistes des médias, qui ont tous accepté de taire cette rencontre avec le président tout en reprenant ses éléments de langage, illustre ce 'journalisme de gouvernement' contre lequel nous avons créé Mediapart", a-t-il écrit dans un tweet.