La création de l’Agence burkinabè de l’énergie atomique fait suite à la signature en octobre 2023, par le ministère de l’Energie du Burkina Faso et la Société nationale pour l’énergie atomique russe (Rosatom) d’un mémorandum d’entente et de coopération en vue de développer l’industrie nucléaire nationale.
En même temps que le Burkina Faso, le Mali a signé un accord avec Rosatom.
Le Burkina Faso envisage de construire des petits réacteurs modulaires (SMR Small modular reactors) lui permettant de doubler sa production électrique d’ici 2030. Le Mali, lui, projette la construction de quatre centrales de 55 MW chacune.
Le Rwanda, le Burundi, le Ghana sont aussi entrés dans la course. En outre, l’Ethiopie, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont tous signé un accord de coopération. A ce jour, ils sont quinze pays à projeter de développer une filière nucléaire civile.
Le nucléaire quasi absent en Afrique
Seule l’Afrique du Sud a un réacteur en fonctionnement et l’Egypte est en train d’en construire un près d’Alexandrie. Le chantier de construction de la centrale nucléaire d'El Dabaa a se situe à 170 kilomètres à l’ouest d’Alexandrie.
Plusieurs éléments expliquent ce soudain intérêt africain pour le nucléaire.
Moins vilipendée qu’après Fukushima, elle est considérée comme propre car ne produisant pas de particules fines. Elle est devenue moins chère avec notamment le développement de “petits réacteurs nucléaires” comme les SMR.
Et surtout l’Afrique a besoin d’électricité. Lors du second Forum économique et humanitaire Russie-Afrique en juillet 2023, Alekseï Likhatchev, directeur général de la société nationale pour l'énergie atomique Rosatom déclarait “L'Afrique verra bientôt sa population passer d'un cinquième à un tiers de la population mondiale. Cependant, si l'on considère la production d'électricité au niveau mondial, on constate que l'année dernière, environ 30 000 milliards de kilowattheures d'électricité ont été produits sur la planète, tandis que l'Afrique en a produit moins d'un.”
L’Afrique cherche à doper sa production d’électricité
C’est l’un des premiers motifs de cette course au nucléaire. Parmi ces candidats au graal nucléaire, certains n’ont qu’une électrification partielle de leur territoire. 25% pour le Burkina Faso, 70% pour le Rwanda.Les coupures de courant sont légion et mettent à mal le développement économique ou à tout le moins complique la vie des entreprises dans la plupart des pays africains. En 2021, 43% des Africains connaissaient des difficultés d’accès à l'électricité, soit 600 millions de personnes, dont 590 millions dans la zone subsaharienne, selon l’Agence internationale de l’énergie.
Les annonces de projet ont été légion en 2023, comme lorsque l’Ouganda annonçait la construction de deux centrales nucléaires d’ici à 2031 pour doubler sa capacité de production électrique.
Si on additionne les “plans” annoncés par ces États, l’Association nucléaire mondiale estime que l’Afrique pourrait disposer de 18 gigawatts électriques (GWe) d’énergie nucléaire d’ici à 2040.
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L’énergie nucléaire reste chère
Les experts sont malgré cela sceptiques sur la capacité de tous ces États africains à financer des centrales nucléaires, fussent-elles petites comme les SMR, étant donné que le coût d’un réacteur est de 30 milliards d’euros environ.
Trop cher pour de nombreux pays. Mais la Banque mondiale qui refusait depuis des décennies de financer des projets nucléaires semble avoir évolué sur le sujet. Ce serait donc une piste.
Les fournisseurs d’équipements nucléaires sont aussi très inventifs pour capter des parts de marché en Afrique. La Russie et Rosatom sont en position de force, Moscou a développé une diplomatie du nucléaire très active et contrairement à d’autres pays comme la Corée du Sud, elle propose un “paquet nucléaire” qui va de la fourniture du combustible à la construction de la centrale. Il propose également de récupérer les déchets nucléaires. L’Etat russe est même prêt à financer en grande partie la construction des projets, c’est ce qu’il fait pour le projet égyptien.
Une filière nucléaire se construit en dizaine d’années
Il faut des années pour développer un environnement “nucléaire”. Les pays africains intéressés vont ainsi devoir rénover leur réseau électrique pour qu’il puisse supporter la connexion à une centrale nucléaire. Ils vont devoir former des ingénieurs, des ouvriers spécialisés capables d’assurer le bon fonctionnement de la structure.
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“Il faut 1 400 ouvriers qualifiés pour construire une centrale. Sauf qu’il n’y en a pas un seul au Burkina Faso et qu’il faut compter vingt ans pour en former”, a indiqué à TV5 Monde Emmanuelle Galichet, maîtresse de conférences en sciences et technologies nucléaires au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
Enfin, si la Russie a avancé ses pions en Afrique, la plupart des pays africains n’ont signé que des accords de coopération et les projets semblent pour l’instant encore à l’état de discussion. Les pays qui veulent se doter du nucléaire doivent aussi résoudre deux impératifs, des ressources en eau suffisantes et à niveau constant pour refroidir un réacteur et l’accès à l’uranium. Et là, chaque pays va devoir trouver l’emplacement parfait.