Un courrier en provenance des directions culturelles générales des affaires culturelles (DRAC), a demandé aux établissements concernés, la suspension “sans délai et sans exception” de toute coopération avec les artistes ressortissants des trois pays africains.
“Tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception. Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. A compter de ce jour, la France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception, et ce jusqu’à nouvel ordre”, somme d’une manière péremptoire la DRAC.
Cette mesure a suscité l’indignation et la stupéfaction du Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) et ses homologues l'Aac, l'Accn, l’A-CDCN, l’ACDN et l'ASN, qui dénoncent une injonction au “ton comminatoire” et "rédigée sur instruction du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères".
“Ce message est totalement inédit par sa forme et sa tonalité, et révélateur de ce que nous dénoncions déjà dans le travail collectif en faveur d’un plan sur la danse. Nous écrivions notamment devoir « veiller à ce que la construction d’une politique culturelle française à l’internationale, qu’il s’agisse de danse ou de tout autre art, soit revisitée à l’aune des artistes et de leurs démarches. Les logiques de rayonnement culturel au service d’enjeux diplomatiques aux antipodes des questions artistiques doivent être remises en cause”, s’indigne le syndicat.
Si la ministre de la Culture Rima Abdul Malak s’est voulu rassurante sur les ondes de RTL vendredi matin, en réduisant la question à une “confusion” liée à un manque "de service de visa en fonctionnement dans ces pays pour des raisons de sécurité", le Syndeac ne manque pas de rappeler que cette politique de l’interdiction de la circulation des artistes n’a jamais prévalu dans aucune autre crise internationale, des plus récentes avec la Russie, aux plus anciennes et durables, avec la Chine.
"Il n'est pas question d'arrêter d'échanger avec les artistes" a expliqué la ministre , précisant que tous ceux "qui ont déjà des visas et qui ont des tournées ou des spectacles prévus (...) vont pouvoir venir comme prévu".
Le président Emmanuel Macron a également confirmé vendredi après-midi que la France “continuera d’accueillir, évidemment” des artistes venus du Sahel.
"Lorsqu'on dit qu'il n'y aura pas de visa ou qu'on annule tous les événements qui seraient faits en France avec tous les artistes venant du Burkina Faso, du Mali ou du Niger: c'est faux, ça ne se passera pas", a assuré le chef de l'Etat, ajoutant que "la vocation de la France, c'est d'accueillir les artistes, les intellectuels et de pouvoir justement les faire rayonner en toute liberté".
“Nous n’avons jamais connu d’injonction de la sorte. La philosophie de la France vis-à-vis d’artistes vivant dans des pays avec lesquels elle est en conflit a toujours été de continuer à les inviter, sans jamais rompre le dialogue. Ces créateurs sont déjà empêchés de travailler par leurs propres gouvernants. Si nous en rajoutons une couche, ce sera pour leur viabilité mais aussi pour l’image de la France, une véritable catastrophe”, explique pour sa part Bruno Lobé, vice-président du Syndeac dans un entretien accordé au Monde.
Le Syndeac a aussi appelé le ministère de la culture à renoncer à “cette approche strictement diplomatique et défendre une politique culturelle et artistique” avant de demander la tenue d’une réunion immédiate avec le Secrétariat général du ministère de la Culture pour que les arguments des professionnels soient écoutés et que la solidarité de la France à l’égard des artistes soit affirmée avec force.
La France avait interrompu le 29 juillet et le 6 août toutes ses actions d'aide au développement et d'appui budgétaire avec le Niger et le Burkina Faso. En novembre 2022, elle avait fait de même pour le Mali.