Des manifestants se sont réunis devant le siège de TF1, à Boulogne-Billancourt, pour protester contre la diffusion sur LCI d'une interview du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. (Others)

S'il fallait une preuve supplémentaire pour affirmer qu'Israël a perdu la guerre de la communication, cette interview le confirme. Durant près de 30 minutes, lors d'un entretien enregistré et réalisé ce jeudi soir en duplex, entre Paris et Israël, le Premier ministre israélien a tenté de redorer l'image de l’État sioniste sur la scène internationale et particulièrement en France où les manifestations pro-palestinienne se multiplient.

Alors que le monde semble avoir ouvert les yeux sur la violence sans limite de l’armée israélienne, Nethanyahu a accordé une interview à la chaîne d’information LCI du groupe télévisé privé TF1. Le timing est donc particulièrement opportun avec un objectif difficile à dissimuler : rallier les téléspectateurs français à sa cause, autrement dit leur faire accepter le génocide commis par Israël à Gaza.

Les frappes sur Rafah qui ont causé la mort de plus de 75 personnes depuis dimanche dernier ont contraint Benyamin Netanyahu à devoir justifier l’injustifiable et donc la mort de près de 36 000 Palestiniens.

Le Premier ministre est d'abord questionné sur le mandat d'arrêt émis à son encontre par le procureur de la Cour pénale internationale. "C'est de la folie, il s'agit d'attaques contre Israël", indique-t-il. "Ils nous accusent à tort et attisent les flammes de l'antisémitisme.”

Au sujet de la famine qui touche les civils palestiniens, le Premier ministre israélien n’a eu d’autre choix que de botter en touche : "On a mis un demi-million de tonnes de nourriture et de médicaments à destination des civils palestiniens. On a tout fait pour éviter la famine." Netanyahu essaie alors de faire bonne figure alors que les ONG ont prouvé à maintes reprises qu'Israël utilise la famine comme arme de guerre. Selon Human Rights Watch, de nombreux enfants à Gaza sont en effet décédés de complications liées à la famine. La moitié de la population court un risque de famine imminent dont environ 15 000 femmes enceintes, selon le Fonds des Nations Unies pour la population ( FNUAP).

"On voit bien que vous tuez beaucoup de combattants du Hamas au prix de beaucoup de morts de civils innocents", lui lance le journaliste présentateur Darius Rochebin. Netanyahu répond : "Pour nous, c'est une tragédie mais pour le Hamas, c'est une stratégie. Ils font en sorte que les civils restent dans ces zones en leur tirant dessus s'ils essaient de partir."

Sans vergogne, le chef du gouvernement israélien affirme : "Nous ne faisons pas de bombardements non-ciblés à Gaza”. Netanyahu a avancé le chiffre d'un civil tué pour chaque combattant du Hamas mort, des données largement contestées par les observateurs indépendants sur le terrain.

"Un pour un, c'est le taux le plus bas dans une guerre urbaine moderne", ajoute-t-il alors que 15 000 enfants ont été tués depuis le début de la guerre mais, toujours selon Nethanyahu, “les milliers de Palestiniens tués sont des terroristes”.

Le Premier ministre israélien n’hésite pas non plus à se lancer dans une comparaison farfelue “lorsqu'on va à Rafah, c’est l’équivalent du débarquement en Normandie, de leur attaque ( NDLR, celles des alliés) contre l’Allemagne”.

Ce à quoi, Darius Rochebin ne manque pas de lui répliquer “sauf que Gaza n’est pas votre terre”.

Concernant la reconnaissance de l’Etat palestinien, le Premier ministre israélien s’est à nouveau montré intransigeant. “Si vous leur donnez un Etat, il s’agira de la plus belle récompense pour les terroristes”. Cette déclaration intervient alors que l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont reconnu la Palestine en début de semaine.

Jusqu'à présent, Netanyahu n'accordait que peu d'importance à l'opinion européenne et pourtant ce dernier a profité de ce moment de télévision pour s'adresser directement aux téléspectateurs. Il s'est exprimé à plusieurs reprises en français, en essayant de convaincre qu’il s’agit d’un conflit religieux . "Notre victoire, c'est votre victoire. C'est la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie. Ce sera aussi la victoire de la France."

Cette image a été partagée sur Instagram par plus de 40 millions d’utilisateurs en moins de 24 heures pour protester...

Posted by TRT Français on Wednesday, May 29, 2024

“Un État palestinien en banlieue parisienne”

Le Premier ministre israélien a saturé l'écran de contre-vérités, de raccourcis et de références hors de propos à la France. Tour à tour, il compare l'offensive d'Israël à la lutte contre le terrorisme en Europe, évoque les attentats en France et affirme qu'Israël agit pour "la sécurité européenne". "Vous devez comprendre que ce n'est pas seulement notre problème. Vous avez eu des choses horribles avec le professeur [Samuel Paty], le père Hamel égorgé dans son église, le massacre du Bataclan, les attaques de Nice, Toulouse... Vous avez ces terroristes qui sont chez vous et vous devez imaginer que si vous construisez un État terroriste, non pas à des milliers de kilomètres, mais dans la banlieue à côté de chez vous, est-ce que vous pensez que ça, ça créerait la paix ?"

Plus encore, Benjamin Netanyahu en surfant dangereusement sur la semantique utilisée par les partis d’extrême droite affime qu'un "État palestinien dans la banlieue parisienne" serait synonyme de "milliers de terroristes qui veulent détruire Paris, tuer des citoyens français, conquérir la France".

“Les colonies ne sont pas illégales”

À la question de savoir si Israël comptait démanteler les colonies illégales en Cisjordanie, Netanyahu répond : "Elles ne sont pas illégales, elles font partie du droit international. Le droit international dit qu'il faut un retrait non pas de ces zones, mais de zones non-spécifiées. Ces colonies, c'est 2 à 3% de la zone construite", répond Benjamin Netanyahu." Puis il renchérit : "Nous ne sommes pas les Belges au Congo. Nous ne sommes pas des colons." Et de conclure : "Nous allons devoir vivre ensemble. Je ne peux pas faire partir les Palestiniens et eux ne peuvent pas nous faire partir."

Manifestations

Suite à l’annonce de cette interview, plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel à manifester en masse lancé via le hashtag #boycottTF1. Rassemblés devant le siège de TF1 à Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne, les manifestants ont protesté contre la diffusion sur la chaîne d'information du groupe, LCI, de cette interview. “En France, on reçoit à la télé le criminel de guerre Netanyahu” a fustigé sur X le fondateur de LFI Jean-Luc Mélenchon. Rima Hassan, candidate LFI aux élections européennes, a, elle aussi, dénoncé “la parole donnée” à un “criminel de guerre”.