Le nombre de personnes tuées à Gaza fait l'objet d'un âpre débat depuis qu'Israël a lancé sa campagne meurtrière contre le peuple palestinien.
Depuis le début de la guerre jusqu'au 30 juin de l'année dernière, le ministère de la Santé de la bande de Gaza a fait état d'un bilan de 37.877 morts.
L'étude du Lancet estime toutefois qu'entre 55.298 et 78.525 décès ont été causés par des lésions traumatiques à Gaza au cours de cette période.
Le nombre probable de tués estimé par le Lancet est de 64.260 morts jusqu'à cette date, soit un chiffre supérieur de 41% à celui du ministère de la Santé. Ce chiffre représente 2,9% de la population de Gaza avant la guerre, "soit environ un habitant sur 35", selon l'étude.
Ce bilan ne concerne que les morts dues à des lésions traumatiques et n'inclut donc pas les décès indirects, tels que ceux dus au manque de soins ou de nourriture, ni les milliers de disparus que l'on pense enterrés sous les décombres.
Jeudi, le ministère de la Santé de l'enclave a déclaré que 46.006 personnes étaient mortes au cours des quinze mois de guerre, principalement dans des bombardements israéliens.
"Capture-recapture"
Israël a mis en doute la crédibilité des chiffres du ministère de la Santé de Gaza, mais ils ont été jugés fiables par les Nations Unies.
Les chercheurs de l'étude publiée par le Lancet ont employé une méthode statistique appelée "capture-recapture" qui a déjà été utilisée pour estimer le nombre de morts dans d'autres conflits dans le monde, qui s'appuie sur trois listes.
La première est celle fournie par le ministère de la Santé et comprend les corps identifiés dans les hôpitaux ou les morgues.
La deuxième est issue d'une enquête en ligne lancée par le ministère de la Santé, dans laquelle les Palestiniens ont signalé le décès de leurs proches.
La troisième a été établie à partir de notices nécrologiques publiées sur des réseaux sociaux comme X, Instagram, Facebook et Whatsapp, lorsque l'identité du défunt a pu être vérifiée.
"Nous n'avons retenu dans notre étude que les personnes dont le décès avait été confirmé par leurs proches ou par les morgues et les hôpitaux", a déclaré Zeina Jamaluddine, épidémiologiste à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, principal autrice de l'étude.
Les chercheurs ont ensuite examiné les listes de morts à la recherche de doublons. "Nous avons cherché les chevauchements entre les trois listes (...) afin d'obtenir une estimation totale de la population tuée", a précisé Mme Jamaluddine.
"Bonne estimation”
Patrick Ball, un statisticien du Human Rights Data Analysis Group, basé aux Etats-Unis, qui n'a pas participé à l'étude du Lancet, a utilisé la méthode statistique de capture-recapture pour estimer le nombre de morts lors de conflits au Guatemala, au Kosovo, au Pérou et en Colombie.
Il a assuré que cette technique éprouvée avait fait ses preuves de longue date et qualifié l'étude du Lancet de "bonne estimation".
Kevin McConway, professeur de statistiques appliquées à l'Open University britannique, a précisé qu'il y avait "inévitablement beaucoup d'incertitude" lorsqu'on fait une estimation à partir de données incomplètes.
Il a toutefois jugé "admirable" que les chercheurs aient utilisé trois méthodes d'analyse statistique pour vérifier leurs estimations. "Dans l'ensemble, je trouve ces estimations raisonnablement convaincantes", a-t-il dit.
Les auteurs de l'étude ont appelé à la prudence en expliquant que les listes publiées par les hôpitaux n'indiquent pas toujours la cause du décès, de sorte qu'il est possible que des personnes souffrant de problèmes de santé non traumatiques, tels qu'une crise cardiaque, aient été incluses, ce qui pourrait conduire à une surestimation.
Il existe toutefois d'autres raisons pour lesquelles le bilan de la guerre à Gaza pourrait être sous-estimé.
L'étude n'a pas pris en compte les personnes disparues. L'agence humanitaire des Nations unies OCHA a déclaré qu'environ 10.000 habitants de Gaza portés disparus seraient enterrés sous les décombres.