Violences perpétrées par des sympathisants et militants du PKK à Paris en décembre 2022. / Photo: AFP (AFP)

Depuis le début de la guerre civile, la France joue un rôle controversé en Syrie. Bien que son implication militaire directe ait été limitée, elle a exercé une influence significative à travers ses services de renseignement et ses collaborations avec certains groupes terroristes.

Aujourd’hui encore, son implication suscite des débats sur ses motivations et ses conséquences

Frappes surprises en Syrie

Alors que la nouvelle administration a pris ses fonctions en Syrie et que Daech a perdu son contrôle territorial, la France a récemment bombardé le sol syrien.

Le ministre des Armées de France, Sébastien Lecornu, a annoncé la semaine dernière sur X, que la France avait mené “des frappes ciblées contre des sites de Daech" sur le sol syrien.

Engagée au sein de la coalition internationale “Inherent Resolve” la France participe au combat contre Daech depuis 2014 en Irak et 2015 en Syrie à travers l’opération “Chammal”.

Ces attaques soulèvent des questions quant à leur timing, puisqu'elles surviennent peu de temps après la chute de Bachar al-Assad.

Ces nouveaux bombardements sont d'autant plus intriguants que la France n'avait lancé aucune offensive contre Daech depuis septembre 2022, soit depuis plus de deux ans.

Pour rappel, la France qui bombarde aujourd’hui en Syrie pour attaquer Daech ne s’était pas montrée autant intransigeante quand le cimentier français Lafarge travaillait main dans la main avec ce même groupe terroriste.

Mais la lutte contre Daech se révèle être un prétexte pour la France qui n’hésite pas à soutenir d’autres groupes terroristes comme le PKK/YPG.

Tout récemment encore, lundi plus précisément, devant les ambassadeurs à l’Elysée, le président français Emmanuel Macron, a réitéré son soutien aux terroristes du PKK/YPG affirmant “rester fidèle” à ceux qu’ils présentent comme des “combattants de la liberté”.

Tandis que le porte-parole du Quai d’Orsay, Christophe Lemoine, interrogé sur les liens terroristes entre le PKK et le YPG, a refusé de commenter ce qu’il qualifie de “la nature du PKK”.

Daech : l’ennemi idéal pour soutenir le PKK

Bien que le PKK soit reconnu en tant qu'organisation terroriste par l'Union européenne (UE), de l'ancien Président français François Mitterrand à l'actuel président Emmanuel Macron, soit depuis plus de 40 ans, la France ne renonce pas à son soutien à l'organisation terroriste séparatiste.

L'exécutif français a initié des relations avec le PKK après l'élection de François Mitterrand à la Présidence du pays en 1981, alors que Mitterrand aurait déjà entretenu des relations avec l'organisation séparatiste, avant son élection. Le Conseil de l'UE a ajouté le PKK à la liste des organisations terroristes en septembre 2001.

Les activités associatives de l'organisation terroriste PKK en France se sont intensifiées au fur et mesure des deux mandats présidentiels de François Mitterrand, jusqu'en 1995, avec le soutien notable de son épouse Danielle Mitterrand. La déclaration suivante de Danielle Mitterrand, à l’endroit des militants du PKK, démontre clairement son soutien apporté à l'organisation terroriste :

"Continuez à agir. (...) Le PKK doit être politisé et mon pays y contribuera. J'œuvrerai pour que le droit de libre circulation vous soit accordé dans mon pays".

Le soutien de la France au PKK s’est poursuivi tout au long des années suivantes.

Avec la crise syrienne, ce soutien a pris une nouvelle tournure. Dans les premières années de la présidence de François Hollande, la France a d’abord apporté un soutien politique, économique, militaire et logistique aux opposants syriens.

Ce soutien s’inscrivait dans le contexte des tensions avec la Russie, exacerbées par l'annexion de la Crimée.

Depuis 2011, alors que la Russie soutenait sans relâche le régime de Bachar al-Assad, la France voyait dans la crise syrienne une opportunité pour limiter l'influence russe.

Avec l'émergence de Daech, la France a commencé à jouer un rôle plus actif. À partir d'août 2014, elle a été un membre essentiel de la coalition internationale contre Daech en Irak.

Les attaques de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, suivies par les attentats du 13 novembre 2015, ont marqué un tournant. L'état d'urgence a été déclaré et les frontières fermées, une mesure inédite depuis la guerre d'Algérie.

Après ces attaques, la stratégie de la France dans la lutte contre Daech a pris une nouvelle tournure, affichant une volonté accrue de s'impliquer en Syrie.

La priorité de la France s'est ainsi déplacée de la guerre civile syrienne vers l'éradication de la menace de Daech. Cependant, la France, avec les États-Unis, a choisi de soutenir militairement et économiquement les organisations terroristes PYD/YPG/PKK, s'éloignant de son alignement initial avec la Turquie et les opposants syriens.

Cette stratégie, visant à utiliser un groupe terroriste pour en combattre un autre, a contribué à complexifier davantage la crise syrienne et à exacerber les prétentions terroristes.

En outre, par le biais d’entreprises comme Lafarge, qui a ouvertement collaboré avec le PYD/YPG/PKK et Daech, tout en leur construisant des infrastructures stratégiques, la France s’est placée en opposition ouverte à la Turquie et aux forces rebelles.

Il convient de rappeler que TRT World avait révélé que le groupe Lafarge avait versé des pots-de-vin d’un montant de 10 millions de dollars à Daech, Nosra et le PYD/YPG/PKK pour garantir la sécurité de ses activités en Syrie.

Selon le témoignage du directeur adjoint de Lafarge, ces actions ont été menées à la demande du gouvernement français, qui souhaitait que l’entreprise poursuive ses activités dans la région.

Aux États-Unis, le cimentier français avait également été condamné à une amende de 778 millions de dollars en octobre 2022 pour son soutien aux groupes terroristes en Syrie.

L’impunité du PYD/YPG/PKK en France

En France, les activités du PKK sont largement tolérées. La lutte contre Daech a également servi de prétexte pour renforcer la présence et les activités du PKK dans le pays.

Depuis plusieurs années, des militants et sympathisants du PKK organisent en toute impunité des manifestations au sein même du Parlement européen et du Conseil de l’Europe à Strasbourg, des festivals à Marseille ou encore des réunions et séminaires de propagande dans divers mairies de Paris.

Des dirigeants de la branche syrienne du PKK ont même été accueillis à l’Élysée à plusieurs reprises, sous François Hollande et Emmanuel Macron.

François Hollande avait d’abord accueilli les terroristes Asiya Abdellah et Nassrin Abdalla en février 2015, puis Saleh Muslim en mai 2017, peu avant la fin de son mandat.

François Hollande avait accueilli les terroristes Asiya Abdellah et Nassrin Abdalla en février 2015 à l'Elysée. (Others)

Emmanuel Macron avait quant à lui accueilli, en avril et octobre 2019, puis en juillet 2021 plusieurs terroristes affiliés au YPG.

Au menu, toujours le même prétexte : la lutte contre Daech.

Le soutien de la France au PYD/YPG/PKK a provoqué des tensions importantes avec la Turquie, notamment après le lancement de l’opération "Source de Paix" par Ankara en octobre 2019.

La France avait été l’un des pays les plus critiques envers cette opération de la Turquie.

La France a ainsi adopté une attitude hostile face aux opérations menées par la Turquie pour contrecarrer la formation d’un corridor terroriste en Syrie.

Selon les experts, cette posture agressive est liée à la perte d’influence et de leadership de la France au Moyen-Orient et dans de nombreuses régions du monde.

Le principal motif de l'opposition marquée de la France aux opérations menées par la Turquie réside dans le fait que la présence du PYD/YPG/PKK, soutenue par la France en Syrie, est compromise par ces interventions turques.

En effet, le PYD/YPG/PKK constitue le seul outil permettant à la France de maintenir un rôle actif dans la crise syrienne sous le parrainage des États-Unis. Toutefois, la détermination de la Turquie a empêché l’établissement d’un État terroriste à ses frontières.

Récemment encore, le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, avait mis en garde contre une éventuelle instrumentalisation de Daech comme “prétexte” afin de renforcer le PKK.

“Si vous avez différentes ambitions dans la région et qu'en utilisant Daech comme prétexte, vous cherchez à renforcer et soutenir le PKK tout en exploitant nos frères kurdes, cela ne passera pas. Nous sommes extrêmement vigilants sur cette question et la suivons de près. Non seulement nous sommes en mesure de discerner toutes les manœuvres, mais également de les déjouer", avait tonné le ministre turc lors d’une conférence de presse avec son homologue jordanien, lundi, à Ankara.

Mais il n’a pas manqué de relativiser les ambitions de la France qui s’évertue à jouer un jeu dangereux, qui dépasse largement sa stature :

“Nous ne prêtons franchement guère attention aux pays comme la France qui cherchent à servir leurs propres intérêts en Syrie, en se dissimulant derrière les États-Unis. La France devrait rapatrier ses citoyens impliqués dans des actes de terrorisme en Syrie et les traduire en justice” a lancé le ministre turc.

Les choix erronés faits par la France dans sa quête de regagner son ancienne puissance contribuent cependant à accélérer son déclin, comme en témoigne la détérioration de ses relations avec la Turquie.

Soutien au Shabiha

Un des autres aspects polémiques de l’engagement français est sa collaboration avec la milice Shabiha, une organisation paramilitaire soutenue par l’État syrien.

Responsable de crimes de guerre tels que des massacres, des viols de masse et des disparitions forcées, cette milice a été dirigée par Maher al-Assad, le frère du président syrien.

Les liens entre la France et cette organisation auraient permis à celle-ci de maintenir certaines de ses activités, y compris le trafic de drogue.

Selon des sources turques, les services de renseignement du pays ont accumulé des milliers de preuves sur l’implication de la France dans ces activités.

Aujourd’hui, la France tente de réorganiser les restes de ces milices pour former, avec les PKK/YPG, un nouvel axe de résistance pour saper la révolution syrienne.

Toutefois, cette stratégie risque de se retourner contre elle. En cherchant à dissimuler ses politiques déstabilisatrices en Syrie et ce, en soutenant des organisations qu’elle considère elle-même comme terroristes, sous couvert de lutter contre Daech, la France pourrait faire face à des conséquences diplomatiques et juridiques très graves.

TRT Francais