Cette petite phrase n’avait pas vocation à sortir du cénacle élyséen mais elle fait grand bruit à Paris et à Tel-Aviv. Le président français rappelle aux Israéliens que leur pays est une décision de l’ONU.
Lors du Conseil des ministres d’hier, quelques jours après des tirs répétés d’Israël contre des casques bleus sous mandat de l’ONU basés au sud-Liban, le président français a déclaré: “M. Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU, par conséquent il ne devrait pas s’affranchir des décisions de l’ONU.”
Le Premier ministre israélien a forcément mal pris la chose, répondant qu’Israël a été créée grâce à la “guerre d’indépendance” menée par des survivants de l’Holocauste et du régime de Vichy. Et dans une conversation téléphonique, le Premier ministre israélien a écarté tout cessez-le-feu au Liban.
Israël n’est pas habituée à ce ton venant d’Emmanuel Macron, même si le 7 octobre, le Président français appelait à arrêter les livraisons d’armes à l’armée israélienne.
Pourquoi Macron change-t-il de ton vis-à-vis d’Israël ?
Tout à coup, le président français s’inquiète de voir Israël ignorer les résolutions de l’ONU. Il s’agit de la résolution 1701 qui prévoit qu' au-delà du fleuve Litani, seules la Finul et l’armée libanaise seront présentes.
L’inquiétude française est d’autant plus étonnante que Tel Aviv a ignoré depuis une année toutes les résolutions de l’ONU concernant Gaza et les demandes de cessez-le-feu.
Le tout nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a également dénoncé devant l’Assemblée nationale une “violation manifeste du droit international” par Israël après les tirs contre les soldats de la Finul. Mais il n’y a eu aucune condamnation au sujet des destructions d’écoles, d'hôpitaux à Gaza, ni des morts de civils qui ont toujours été excusées au nom du droit d’Israël à se défendre.
Pourquoi ce changement de ton ? Ici, on parle du Liban, ancien mandat français où vivent 23 000 Français tandis que plus de 150 000 Libanais vivent en France. Plus de 700 soldats français sont cantonnés au sud-Liban dans le cadre de la force d’interposition de l’ONU, la Finul.
La France est prise entre deux feux
Le Liban est un enjeu diplomatique important pour la France. D’ailleurs, l’historien Henry Laurens le rappelait dans un entretien au journal le Monde en 2020 : “La présence française est constante dans l’histoire libanaise. Je rappelle que, lorsque Jean-Yves Le Drian, alors ministre de l’Europe et des affaires étrangères, est venu à Beyrouth en juillet 2020 pour dire en substance “sans réformes, il n’y aura pas d’argent”, le premier ministre libanais avait réagi par: “Notre mère la France nous abandonne.”
Le pays a été pendant longtemps le pré carré français. Paris qui y jouissait du droit de cité était considérée comme la protectrice de la communauté chrétienne libanaise. Mais aujourd’hui, le Quai d’Orsay et Emmanuel Macron luttent pour conserver une influence au Liban, une influence décroissante.
La politique d’Emmanuel Macron a fait perdre des points à la diplomatie française dans la région avec son soutien inconditionnel à Israël et son abandon de la cause palestinienne. Aujourd’hui elle se retrouve prise en étau entre l'État hébreu et son soutien historique au Liban.
Paris ne peut apparaître comme abandonnant le Liban aux fureurs militaires d’Israël et ne peut aller au clash avec Israël car la classe politique française est férocement pro-israélienne.
L’Elysée est d'autant plus amer que le soutien de la France n’est pas récompensé en retour. Le Premier ministre israélien ne fait que peu de cas de la position française. Emmanuel Macron n’a pas apprécié le jeu de Benyamin Netanyahu qui a lancé l’offensive sur quartier général du Hezbollah pendant l’Assemblée générale de l’ONU alors que Français et Américains avaient réussi à convaincre les Libanais et le Hezbollah à accepter un cessez-le-feu.