Au lendemain d'une nouvelle journée de protestation massive contre la réforme des retraites, le président Emmanuel Macron entend maintenir le tempo de l'action gouvernementale et de son second quinquennat.
Et, si possible, faire diversion. "L'immigration reste un sujet majeur de préoccupation des Français", esquisse un cadre de la majorité.
Le texte, présenté en Conseil des ministres mercredi, prévoit une série de mesures pour faciliter les expulsions -surtout des étrangers "délinquants"-, une réforme du droit d'asile et un volet intégration, notamment la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les secteurs (restauration, bâtiment, etc.) où les employeurs peinent à embaucher.
"Il faut de la fermeté et de l'humanité (...) On ne peut pas accueillir tout le monde", résumait Emmanuel Macron en décembre dans le quotidien Le Parisien, tout en appelant à "intégrer plus vite et mieux" ceux qui obtiennent l'asile.
"Radicalement déséquilibré"
Destiné à séduire à la fois la droite républicaine, de plus en plus radicale sur le sujet, et la gauche, qui dénonce les conditions d'accueil des étrangers, le texte a fini par fâcher tout le monde... et pourrait nécessiter de déclencher l'arme du "49.3", article de la Constitution permettant son adoption sans vote parlementaire.
La majorité elle-même apparaît divisée, entre tenants de l'aile droite prêts à le durcir encore si nécessaire, et élus issus de la gauche, qui y voient des lignes rouges.
"C'est un texte radicalement déséquilibré puisqu'il va très loin à gauche, et très loin à droite", concède un député du parti présidentiel Renaissance. "Il permettra aussi de prendre l'opinion publique à témoin de ce qu'il faudrait faire".
Le texte se présente au lendemain d'un double constat: une hausse de 31% des demandes d'asile (137.000) en 2022 et de 15% des expulsions (15.400), celles-ci restant néanmoins inférieures d'un tiers à celles de 2019, avant le Covid-19.
"Une partie de notre économie tourne aujourd'hui grâce à l'immigration", souligne le ministre du Budget Gabriel Attal.
L'équation s'annonce toutefois très compliquée pour l'exécutif, en l'absence de majorité absolue, alors qu'il ferraille déjà sur les retraites.
Les Républicains (LR, droite traditionnelle), qui pourraient voter la réforme des retraites, seront forts peu enclins à récidiver sur l'immigration, un de leurs marqueurs.
"Discutons-en"
LR juge les mesures d'expulsions insuffisantes. Il est surtout vent debout contre l'octroi de titres de séjour pour les "métiers en tension", jugeant que cela va aboutir à des régularisations massives et "ouvrir les vannes de l'immigration".
"Chez les LR, certains défendent l'idée d'instaurer des quotas pour limiter les régularisations. Discutons-en", a lancé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ce week-end.
D'autres dans la majorité redoutent déjà que la partie régularisation ne passe à la trappe. "Les LR demandent que ce ne soit pas dans ce texte", note un député Renaissance.
Le principal volet du projet de loi, vers lequel convergent la moitié de ses vingt-cinq articles, vise à faciliter les expulsions, en premier lieu celles des étrangers condamnés "pour des crimes et délits punis de dix ans ou plus d'emprisonnement".
Outre accélérer les procédures sur les demandes d'asile par "une réforme structurelle" et exiger un niveau minimal de français pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, il souhaite permettre aux travailleurs sans-papiers présents en France depuis trois ans d'obtenir un titre de séjour "métiers en tension", valide un an.
Le texte pourrait être en partie détricoté au Sénat, où il passera d'abord mi-mars, puis revisité à l'Assemblée nationale en mai-juin.
Ce texte, le 29e sur l'asile et l'immigration depuis 1980, alimente avant tout le moulin de l'extrême droite en "répondant sur leur terrain", déplore Fanélie Carrey-Conte de l'association d'aide aux migrants La Cimade.
Le Rassemblement national (extrême droite), sans surprise, a déjà annoncé qu'il ne le voterait pas.