Depuis une semaine, la France est le théâtre d'une mobilisation sans précédent alors que des agriculteurs, confrontés à des décennies de difficultés croissantes, bloquent les routes pour exprimer leur détresse et exiger des mesures concrètes du gouvernement.
Dans la région Occitanie, des agriculteurs bloquent l’autoroute A64 depuis jeudi 18 janvier, réclamant des actions effectives du gouvernement pour leur permettre d’exercer et de vivre de leur profession.
Ce barrage, dans la petite commune de Carbonne (Ariège), composé de plus de 40 tracteurs, est le point de départ de la lutte des agriculteurs, qui s’est désormais étendue sur toute la France.
Les barrages et les actions coup de poing des agriculteurs se multiplient depuis le début de la semaine. La détresse des agriculteurs relève de plusieurs dizaines d’années de difficultés face aux normes écologiques et financières imposées par la France et l’Europe, ainsi que la concurrence des produits importés vers lesquels les consommateurs s’orientent car, généralement, moins coûteux.
Les voix des agriculteurs témoignent de l'urgence de la situation. Jean-François Corrocher, agriculteur de la région, exprime un sentiment partagé par de nombreux membres de sa profession.
“Nous sommes méprisés et il faut qu’on se montre, il faut qu’on se rebelle”, lance-t-il.
Cette révolte est le résultat d'années de frustrations accumulées, alimentées par l'absence de réponses adéquates de la part des autorités.
“Ici, la zone Haute-Garonne, on est l’une des plus impactées. Mais même ceux qui sont un petit peu moins impactés, ils se rebellent aussi. Ils voient bien que leurs revenus vont de façon décroissante”, s’indigne-t-il encore.
Patrick Stavrowsky, éleveur laitier, met en lumière les défis concrets auxquels sont confrontés les agriculteurs au quotidien.
“Il faut des prix rémunérateurs pour qu’on puisse vivre”, affirme-t-il, jetant la lumière sur la nécessité d'une réforme profonde du système économique agricole.
Les agriculteurs réclament également des changements dans les réglementations bureaucratiques qui entravent leur activité, ainsi que des solutions aux problèmes structurels tels que le coût élevé du carburant et la gestion de l'eau dans les régions arides.
Les témoignages poignants des agriculteurs, comme celui d'André André Saves, agriculteur retraité, mettent en lumière les sacrifices personnels consentis pour maintenir l'agriculture française à flot.
“Le plus grand problème, c’est la remise aux normes. La remise aux normes dans nos exploitations agricoles. On nous impose des règles qui sont trop contraignantes pour les agriculteurs”, s’indigne-t-il, tout en pointant du doigt les difficultés économiques auxquelles la profession est confrontée.
“Je ne suis jamais parti en vacances moi, j’y ai passé toute ma vie. J’étais producteur laitier. Quelle est la corporation de métiers qui va accepter pendant 45 ans : pas de dimanche, pas de jour de fête, même pas moyen de tomber malade. C’est une passion, mais une passion il faut en vivre”, confie-t-il encore, soulignant le dévouement sans faille des agriculteurs envers leur métier, malgré les difficultés croissantes.
La crise actuelle ne concerne pas seulement les revenus et les conditions de travail des agriculteurs, mais également leur santé mentale et leur bien-être.
Alain Brousse, agriculteur retraité, souligne le lien direct entre la détresse économique et le taux alarmant de suicides parmi les agriculteurs.
“C’est-à-dire qu’il y a très peu de revenus dans l’agriculture. S’il y a des revenus, il faut investir, mais le matériel a pris 30%. Là, on est en pleine inflation et ça a créé du désespoir. Et ce désespoir, malheureusement, il se traduit par le suicide”, déplore-t-il.
Face à cette crise profonde, les agriculteurs exigent des actions concrètes de la part du gouvernement. Cependant, ils reconnaissent également les défis politiques et économiques complexes qui sous-tendent leur lutte.
“Il faut beaucoup se battre pour obtenir un petit peu. Parce qu’il ne faut pas trop rêver, ça va être un combat très dur pour faire bouger un peu les politiques. Parce que le combat qu’on mène… beaucoup de décisions appartiennent à Bruxelles”, admet Alain Brousse, conscient des obstacles qui se dressent devant eux.
Alors que les barricades continuent de bloquer les autoroutes françaises, le cri de détresse des agriculteurs résonne à travers le pays. Leur détermination est claire : ils ne reculeront pas tant que des solutions tangibles ne seront pas apportées à leurs préoccupations. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement, appelé à répondre de manière urgente à cette crise qui menace l'avenir de l'agriculture.