Pendant que les partis de gauche se consultent pour trouver un premier ministre, le camp Renaissance ne reste pas inactif. Il se cherche une coalition. Yaël Braun-Pivet, députée Renaissance et ex-présidente de l’Assemblée nationale glisse ici et là au fil des interviews qu’elle est candidate à sa propre succession, que le camp de gauche n’a pas de majorité, qu’il faut construire une coalition avec le bloc “central”. Le camp présidentiel se voit donc toujours en faiseur de Roi et estime que la coalition doit se faire autour de lui.
Le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, qui est toujours ministre des Affaires étrangères, ne dit rien d’autre. Dans une tribune parue dans le journal Le Monde publiée ce mardi, il appelle les élus de la Gauche républicaine hors LFI et les Indépendants à rejoindre le bloc central “pour chercher, par le dialogue et le compromis, un gouvernement et une feuille de route à la France.”
Un appel à respecter les élections
Stéphane Séjourné conteste la légitimité du Nouveau Front populaire à former le nouveau gouvernement. Il n’a pas la majorité absolue. “Les mêmes qui conspuaient «la minorité présidentielle» de 250 sièges en 2022 sont aujourd’hui les premiers à prétendre disposer de tous les pouvoirs avec 182 sièges seulement ! Le Nouveau Front populaire n’est pas au-dessus de la démocratie parlementaire”.
Stéphane Séjourné conclut ainsi sa tribune : “il faut être réaliste”. Thomas Guénolé confie à TRT Français son analyse. Selon lui, il y a trois scénarios de coalition possibles. “Soit le Front populaire forme un gouvernement, soit c’est Ensemble avec les Républicains canal historique, soit Macron propose une coalition à la gauche. Mais dans tous ces scénarios, il n’y a pas de majorité absolue possible.”
Ensemble fait une ouverture à gauche
“Les macronistes n’ont pas compris que pour trouver un accord de gouvernement avec le PS et les Verts, il faut proposer une réforme de scrutin à la proportionnelle.” Le parti Les Écologistes et le PS n’ont pas les épaules pour résister à un scrutin majoritaire en solo sans LFI à leurs côtés. Il faut donc leur donner une assurance de leur survie après le gouvernement de coalition.
Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, tient à rappeler tant au camp de gauche qu’au camp présidentiel que ces élections ont été marquées par un front républicain. D’après ses calculs, une cinquantaine de députés du NFP et 80 députés Ensemble sont élus parce qu’il y a eu désistement pour faire barrage au Rassemblement national. “Démocratiquement, il est nécessaire de tenir compte d’un tel vote, en prenant en considération le choix des électeurs, lequel impose d’atténuer certaines positions programmatiques en vue de composer un gouvernement de coalition qui dépasse un seul bloc politique. Toute prise de position inverse conduirait à l’échec”.
“La Ve République est cassée”
La situation est inédite pour la France. Chacun se cherche une coalition, mais on s’oriente vers un gouvernement à majorité faible. Peut-on gouverner sans majorité forte ? “Bien sûr“, répond Thomas Guénolé. Il cite l’exemple allemand ou belge et rappelle qu’un gouvernement peut prendre moultes décisions par décrets. Pour augmenter les salaires, il faut convoquer une conférence des salaires où siègent syndicats et patronat. Il peut également régler de nombreux sujets par décision ministérielle. Ce gouvernement devra, par contre, convaincre d’autres députés que ceux de son groupe, dès qu’il voudra faire voter une loi.
Pour le politologue, on arrive à la fin du modèle de la Ve République. Thomas Guénolé plaide pour que la France choisisse le scrutin à la proportionnelle. Ce mode de scrutin permet à chaque parti d’espérer quelques députés. “Cela déconflictualise la vie politique”, dit-il, ”on passe de la culture de la confrontation à une culture du compromis et de la négociation. Ça force chacun à se demander comment on peut travailler ensemble.”
Selon l’enseignant de l’université Paris-Créteil, “la Ve République est cassée”, elle n’arrive plus à produire des majorités stables et n’assure plus une France apaisée. “On se retrouve avec des situations grotesques ou avec un tiers des voix, on peut prétendre gouverner alors qu’on a deux tiers des députés qui ne sont pas de votre bord.”
Les négociations commencent tout juste. Les uns ne s’attendaient pas à gagner, les autres, pas à perdre. Et personne ne semble prêt à proposer du donnant-donnant pour un gouvernement de transition.