Eric Ciotti, chef du parti conservateur français Les Républicains (LR), est entouré de journalistes alors qu'il quitte le siège du parti LR à Paris. / Photo: Reuters (Reuters)

L'annonce choc d'un accord inédit en France entre Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN) droite a attiré les coups de foudre sur Eric Ciotti. "Déloyauté", "mensonges", jeu "personnel"... Un déluge de critiques s'est abattu sur le président des Républicains (LR) après son appel à s'allier au RN pour les élections des 30 juin et 7 juillet.

"Nous avons besoin d'une alliance, en restant nous-mêmes, avec le RN et avec ses candidats", a déclaré Eric Ciotti sur la chaîne TF1, aussitôt désavoué par plusieurs cadres de son parti qui ont dénoncé un revirement historique.

Tenant d'une ligne dure sur l'immigration, M. Ciotti a fait tomber une digue qui avait jusque-là tenu son parti, héritier déclaré du général de Gaulle, à l'écart de tout accord avec le RN, dont l'ancêtre a été cofondé par un ancien Waffen-SS.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, ex-LR rallié à Emmanuel Macron, a accusé M. Ciotti d'avoir "signé les accords de Munich", paraphés en 1938 notamment par la France et l'Allemagne nazie.

M. Darmanin et un autre LR rallié au président, l'ex-Premier ministre Edouard Philippe, ont dit "tendre la main" aux LR opposés à l'alliance avec le RN.

La charge a aussi été sévère au sein même de LR, que des élus locaux et près d'une dizaine de sénateurs ont quitté. "Je n'avaliserai jamais, sous aucun prétexte, un accord avec le RN contraire à l'intérêt de la France et à notre histoire", a lancé le président du Sénat, Gérard Larcher.

"Cordon sanitaire"

Galvanisé par son succès aux européennes, le RN a lui salué "le choix courageux" de M. Ciotti. En fin de journée, son président Jordan Bardella a annoncé qu'"il y aura un accord" pour les législatives, en avançant que "plusieurs dizaines" de députés LR (droite) seront "investis" ou "soutenus" par son parti.

Le RN a ensuite précisé qu'il investira "des dizaines de candidats LR", dont "des (députés) sortants", mais sans préciser le nombre de ces derniers.

Or, une consultation menée au sein du groupe de députés LR sortants de l'Assemblée n'a enregistré, sur 61 membres, que deux votes favorables à cet accord dont celui de M. Ciotti, a précisé à l'AFP une source du parti.

Depuis des années, le RN cherche à nouer des alliances à droite et tente d'élargir sa base avant les élections, qui pourraient le porter pour la première fois au pouvoir.

Il a en revanche renoncé mardi à un accord avec l'autre parti d'extrême droite, Reconquête!, fondé par le polémiste Eric Zemmour, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale.

Pendant que la droite se déchire, le président Macron a lui reporté à mercredi la conférence de presse prévue mardi pour clarifier son "orientation".

Edouard Philippe l'a égratigné, en se disant "pas sûr qu'il soit complètement sain que le président de la République fasse une campagne législative".

L'ex-Premier ministre du président Macron a aussi assuré que la dissolution avait provoqué "étonnement" et "parfois de la colère" chez "beaucoup" de Français, du fait du "risque considérable de voir le RN accéder au pouvoir".

Selon un sondage Harris Interactive-Toluna paru lundi, le RN est crédité de 34% des intentions de vote au premier tour, et d'une majorité relative au second, de 235 à 265 députés. Les macronistes ne pourraient tabler que sur 125 à 155 sièges, la gauche 115 à 145 et LR 40 à 55.

Grandes manoeuvres

Après s'être divisés pendant la campagne des européennes, les quatre principaux partis de gauche - La France insoumise (LFI), PS, Ecologistes, Parti communiste - ont annoncé lundi soir qu'ils présenteront "des candidatures uniques dès le premier tour" au sein du "Front populaire".

Une alliance critiquée mardi par Gabriel Attal, jugeant "révoltante" l'alliance avec LFI (gauche radicale), accusée d'ambiguïtés sur l'antisémitisme. Des institutions juives ont dénoncé une "honte" et un "accord infâme".

Les tractations ont repris mardi pour affiner un programme commun et tenter de régler le débat sur le candidat au poste de Premier ministre, certains refusant que ce rôle revienne au chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon, figure clivante et ex-candidat à la présidentielle.

Ce dernier s'est félicité sur X que LFI "jette les rancunes à la rivière et construise l'unité populaire. La France n'est pas condamnée à la peine de Bardella. Le Nouveau Front Populaire sait gouverner".

Agences