Durant une séance d'une heure vingt à l'Assemblée nationale, le chef du gouvernement, indifférent au tumulte des députés de La France insoumise, a présenté ses mesures, dont des annonces spécifiques aux agriculteurs mobilisés à travers le pays.
"Nous sommes prêts à affronter pour avancer", a déclaré le dirigeant, en poste depuis trois semaines à la tête d'une équipe de 14 ministres en cours de constitution. "La France ne sera jamais une Nation qui subit. Ni hier, ni aujourd'hui, ni demain."
Faisant le bilan des six ans et demi de présidence d'Emmanuel Macron, il s'est adressé à ceux "qui ne demandent pas la Lune mais simplement à pouvoir vivre de leur travail, éduquer leurs enfants, se soigner, et vivre en sécurité."
Gabriel Attal a exprimé son intention de "désmicardiser" le pays lors du prochain projet de loi de finances en réduisant les charges "qui pèsent sur la classe moyenne" et a confirmé l'engagement d'une baisse d'impôts de deux milliards d'euros.
Il a dévoilé la généralisation, prévue en janvier 2025, du conditionnement du versement du Revenu de solidarité active (RSA) à 15 heures d'activité. Les chômeurs en fin de droits ne bénéficieront plus d'une allocation spécifique et seront directement basculés au RSA.
Un projet de loi, déposé au second semestre 2024, portera sur "le mérite" des fonctionnaires et leur rémunération. Gabriel Attal a préconisé l'expérimentation de "la semaine de quatre jours" dans les administrations centrales et déconcentrées.
Par ailleurs, il a lancé l'idée que les personnels d'entretien travaillent aux horaires de bureau.
Logement, Éducation, et "Justice sociale"
En pleine période de crise du logement, l'homme politique a préconisé la réquisition des édifices inoccupés et a suggéré la création de 30 000 nouveaux logements d'ici trois ans dans 20 zones spécifiées.
Le chef du gouvernement, anciennement ministre de l'Éducation nationale pendant six mois, a dévoilé son projet de réforme de la formation initiale des enseignants pour le mois de mars, accompagné d'une prime de 800 euros ainsi qu'une augmentation nette de 200 euros par mois pour les infirmières scolaires.
Six mois après des émeutes qui ont profondément choqué le pays, il a préconisé des "travaux d'intérêt éducatif" pour les délinquants de moins de 16 ans, déclarant : "Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l'autorité, tu apprends à la respecter."
S'exprimant sur l'éducation, il a affirmé que "les écrans sont une catastrophe éducative en puissance", plaidant en faveur de la régulation de leur utilisation.
Quant au port de l'uniforme à l'école, il sera généralisé à la rentrée 2026 si les résultats de l'expérimentation en cours se révèlent concluants. De même, le Service national universel sera étendu à la rentrée 2026, suivi du lancement, d'ici la fin du quinquennat, d'un Service civique écologique pour 50 000 jeunes volontaires.
"Taper les dealers au porte-monnaie"
En matière de sécurité, Gabriel Attal a accordé la priorité à la lutte contre les cambriolages et le trafic de drogue, préconisant de "frapper les dealers au niveau financier et de leur couper leurs ressources". Quelques semaines après l'adoption de la loi controversée sur l'immigration, il a exprimé sa volonté d'"assumer de réduire les admissions pour améliorer la qualité de l'accueil" et a confirmé la réforme de l'Aide médicale d'État d'ici l'été, par voie réglementaire.
En ce qui concerne la santé, la lutte contre les déserts médicaux impliquera la régularisation des médecins étrangers présents en France et le recrutement de professionnels de la santé au-delà des frontières. "Quand on manque un rendez-vous médical sans prévenir, on assume les frais" a-t-il lancé.
Alors que les agriculteurs mécontents menacent de bloquer Paris depuis plusieurs jours, Gabriel Attal a fait de nouvelles annonces, notamment des aides pour les frais vétérinaires et le carburant GNR.
En fin de discours où il a également critiqué le Rassemblement national (RN) à cinq mois des élections européennes, le jeune Premier ministre de 34 ans s'est accordé une touche plus personnelle.
"Gabriel Thatcher", "Démacroniser", "Trahison"
L'opposition s'est montrée intraitable avec le chef du gouvernement, jugé sur Twitter "réactionnaire" par le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. "Attal veut généraliser de force le libéralisme économique qui a déjà détruit l'industrie, l'agriculture, la santé, l'éducation. Et 25 milliards de moins dans le budget pour le pays. Il punit durement les ingrats : suppression du SMIC, travail gratuit obligatoire pour le RSA etc... Le discours le plus réactionnaire depuis un siècle." a-t-il tweeté.
Caroline Fiat, députée LFI de Meurthe-et-Moselle , a estimé sur Franceinfo que "la partie santé" du discours de politique générale est "catastrophique".
De nombreux Insoumis, appellent à "dé-macroniser la France" en réaction au vocabulaire employé par Attal "désmicardiser", "débureaucratiser", "déverrouiller".
"J'ai plutôt entendu des annonces qui font peur et qui risquent de tiers-mondialiser la France, notamment la suppression de l'ASS (allocation spécifique de solidarité), la fin de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) (...) Ce n'est pas Gabriel Attal qu'on a entendu mais Gabriel Thatcher", a estimé de son côté sur BFM TV le leader du Parti communiste, Fabien Roussel, en référence à l'ex-Première ministre conservatrice britannique Margaret Thatcher
Le président des Républicains, Eric Ciotti a dénoncé “une forme de trahison” sur la question de l’aide médicale d’Etat, que l’ex-Première ministre s’était engagée à réformer.
A la tribune, la présidente du groupe RN Marine Le Pen a dénoncé un "catalogue" de mesures inspirées par "le pire de la droite et le pire de la gauche".
"En pleine révolte des agriculteurs, le gouvernement dévoile une stratégie de décroissance agricole complètement déconnectée des enjeux d’autonomie alimentaire et de sauvegarde du modèle français. Les macronistes veulent la mort de notre agriculture !" a écrit Jordan Bardela, président du Rassemblement National (RN) sur X.
Quand Bruno Le Maire lit le discours d’Attal
Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a provoqué de son côté un fou rire au Sénat en lisant le discours de politique générale d’Attal. "Je suis né en 1989", a-t-il donc lu avant de s'interrompre devant le rire des membres de la chambre haute, puisqu’il est né 20 ans plus tôt. Il a repris le fil du discours quelques secondes après en ajoutant "Si seulement...", en souriant, sous les applaudissements des sénateurs.