L’expression est du candidat français Emmanuel Macron, lors de son discours à ses supporters à l’issue des résultats du premier tour de la présidentielle française ce 10 avril. Une nouvelle époque française commence en effet, où les deux protagonistes qui ont fait la Ve République, la droite républicaine et le Parti socialiste, ne font, réunis, que 6% des suffrages. Les épigones de De Gaulle et de Mitterrand font désormais pâle figure. Qui l’aurait cru ?
Nous connaissons les candidats en lice, et le duel du 24 avril tranchera entre Emmanuel Macron et Marine le Pen. Mais nous savons aussi que les vainqueurs non déclarés sont les différentes fractures, sociales et politiques selon l’expression de Marine le Pen et son appel pour le patriotisme économique (sic) comme panacée. L’exaspération, voire la colère, selon Jean Luc Mélenchon.
L’enfant prodige, Macron, familier des hautes sphères et des milieux huppés, n’a pas manqué de faire un ricochet sur la nécessité d’augmenter le pouvoir d’achat, en épinglant au passage. la cherté de la vie. Il a ainsi appelé à redynamiser l’Etat Providence, le service public, l’école, l’écologie et tout ce qui fait traditionnellement la charpente de la gauche. Nous sommes désormais plus dans l’affect que dans les programmes, et le candidat Macron ne croyait pas si mal dire en parlant d’une nouvelle époque française.
Mais diantre, de quelle étoffe sera-t-elle taillée, cette nouvelle époque française ? Là est la question.
Il n’y aura pas de remake de la consultation de 2002, lorsque Jean-Marie le Pen (père) avait créé la surprise en passant au deuxième tour face à Chirac, et qu’une mobilisation tous azimuts s’était constituée pour barrer la voie au candidat de l’extrême droite. Marine le Pen est plutôt acceptée dans l’échiquier politique, mais elle aura à répondre aux attaques sur sa supposée connivence avec Poutine. Et probablement, elle laissera des plumes sur ce registre.
Qu’elle gagne ou qu’elle perde n’est pas la question. Ce qui interpelle est la montée des populismes, de droite comme de gauche. Qui aurait parié, il y a quelques années, que cet outsider qu’était Jean-Luc Mélenchon, qui désormais parle de « Pôle Populaire » dans les allures d’un Jean Jaurès ou d’un Léon Blum, fasse une telle percée, dépassant le seuil des 20% ? Il est fort à parier que le courant qu’il préside fera parler de lui, devant la décrépitude de la gauche et l’effondrement de la droite républicaine. En pleine ascension, « La France insoumise » a désormais un nouveau nom, « le Pôle Populaire ». Le mouvement est ainsi passé à l’âge adulte.
Adieu Éric
Marine Le Pen, au nom du populisme de droite, est toujours là dans l’intervalle des deux consultations présidentielles, faisant de « la mélancolie existentielle », constituée de laminage du pouvoir d’achat, des doutes, des peurs, des colères et du désespoir son carburant. Elle est bien présente, et si elle n’est pas portée par le sacre populaire, son mouvement continuera néanmoins de peser. Ce quiinterpelle, car on l’aura remarqué, malgré la guerre en Ukraine, les populismes se portent bien. Victor Orban, en Hongrie, vient également de le confirmer.
On a moins parlé, dans cette élection française, de sécurité et de criminalité, comme si le bouc émissaire qu’est l’immigré, qui fait office de victime expiatoire, était épargné pour la circonstance. Macron a certes parlé de séparatisme islamiste, en mettant de l’eau dans son vin. On n’imposera pas aux juifs et aux musulmans leurs interdits alimentaires. Ce n’était pas la lettre de la loi sur la laïcité d’août 2021. Passons. Le fléau de la balance est en passe de basculer et c’est plutôt la Russie qui fait peur contrairement au musulman, immigré ou français.
J’allais oublier Éric Zemmour. Il n’aura vécu que « ce que vivent les épines l’espace d’une saison » (que Malherbe me pardonne d’avoir profané son célèbre vers). Reconquista bien ordonnée commence par soi-même, et jamais une copie ne peut égaler l’originale. Vieille leçon comme le monde. Il vaut mieux parler au Pape qu’à ses épigones. Adieu Éric.
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