Alors que la campagne pour l'élection présidentielle française bat son plein pour tous les candidats, celui qui est donné favori pour la remporter, demeure le grand absent du ring politico-médiatique de l'Hexagone.
Auréolé de la présidence tournante de l'Union européenne (UE) et endossant le rôle de chef de guerre voulant devenir faiseur de paix en Ukraine, Emmanuel Macron a été le dernier politicien à annoncer sa candidature à la présidentielle, dans une lettre adressée aux Français le 3 mars dernier.
Il s'agissait, certes, d'un secret de Polichinelle, mais le président candidat –à un second quinquennat- a une stratégie, et il y a des chances que celle-ci porte ses fruits.
Président candidat
L'élection présidentielle française et le débat politique qui la précède, ne jouissent pas de la même aura publique et médiatique que l'élection américaine, et les candidats à la fonction suprême ne sont pas soumis aux mêmes règles de discipline qu'outre-Atlantique, notamment lorsqu'il s'agit du débat démocratique.
Les chemins de la Maison Blanche sont pavés d'une longue série de rendez-vous démocratiques et de débats contradictoires, dans le cadre d'une campagne nationale qui peut durer 24 -longs- mois.
Excepté la primaire interne au parti du président sortant dans le cas échéant, tous les candidats sont soumis aux mêmes obligations, et cela reste valable même si l'un deux vise sa réélection.
Les chemins de l'Élysée sont, quant à eux, pavés d'un semblant de chaos et d'improvisation.
Le chef de file de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon avait annoncé sa candidature au scrutin présidentiel, quasiment deux ans en avance. Ainsi faisant, il avait en tête, l'objectif de devenir le candidat de facto de la gauche politique et d'éviter ainsi les leurres d'une primaire populaire, qui s'avérera, d'ailleurs, être un piège pour Xavier Bertrand qui partait favori dans les sondages pour la primaire du parti Les Républicains (LR), remportée par Valérie Pécresse au second tour face à Éric Ciotti, le 4 décembre 2021.
Étant le seul candidat déclaré, Mélenchon ne trouvait face à lui, aucun autre candidat majeur, pendant quasiment une année. Pas de candidat, donc pas de débat...
Pendant ce temps, Éric Zemmour, journaliste, chroniqueur et gourou idéologique du groupe médiatique Bolloré, profitait de son promontoire télévisuel pour annoncer sa candidature.
« Pas de débat, pas de mandat »
« Pas de débat, pas de mandat », martelait le candidat Debout La France, Nicolas Dupont Aignan, à la radio France Info le 17 mars dernier.
Comme nombre d'autres candidats à la fonction suprême, il fustige le refus obstiné d'Emmanuel Macron, de participer à un débat public avant le premier tour, auquel prendraient part les 12 candidats officiels.
Dans l'émission spéciale de la chaîne de télévision TF1 sur la guerre en Ukraine, diffusée en direct le 14 mars, Emmanuel Macron ne se frottait pas aux autres candidats, dans le cadre d'un débat, mais se soumettait à une interview, seul face aux journalistes.
« Emmanuel Macron veut s'inscrire dans les pas de ses prédécesseurs, de Gaulle, Chirac ou Sarkozy. Tous ont été candidats à leurs réélections et ils n'ont pas débattu lors du premier tour. Une position critiquée par ses adversaires », commentait alors Europe 1.
La radio citait Julien Bayou, président d'Europe Écologie Les Verts (EELV) qui dénonçait un « mépris » de Macron, « pas tellement pour les candidats et candidates, mais à l'égard du jeu démocratique et des Français et Françaises », estimait le soutien du candidat écologiste, Yannick Jadot.
Le candidat est président...
Le chef d'État français assume la présidence tournante -et honorifique- du Conseil de l'UE, depuis début de l'année, avec l'objectif déclaré d'une « Europe souveraine », notamment en matière de défense.
Avec le début de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février, Emmanuel endossait le rôle d'un leader en tant de guerre, même si cette fois-ci, il évitait d'utiliser l'expression « nous sommes en guerre », comme il l'avait fait lors de la première vague de Covid-19 dans l'Hexagone, en mars 2020.
Il en profitait pour surfer sur la vague d'approbation de sa gestion de la crise en Ukraine, tout en évitant de devoir rendre compte, à travers des débats avec ses opposants, du bilan de son quinquennat, jugé négatif par la majorité des Français, selon plusieurs enquêtes d'opinion.
Emmanuel Macron recueillait ainsi 27 % d'avis favorable sur son bilan concernant le pouvoir d'achat, première considération des Français pour cette élection présidentielle (les deux tours étant prévus les 10 et 24 avril 2022).
En somme, le président candidat a fait le choix pragmatique et réaliste de se parer de son rôle de chef d'État en tant de crise plutôt que d'être noyé sous son bilan.
Crédité dans tous les sondages, d'une victoire au premier tour comme au second, du fait notable du morcellement de son opposition, Emmanuel Macron sait qu'il a beaucoup à perdre à se confronter à la critique de celle-ci, dans le cadre d'un débat public.
Le candidat Macron a, ainsi, choisi de se dissimuler derrière le président Macron.