Pierre Loti, de son vrai nom Louis Marie-Julien Viaud, est né le 14 janvier 1850 à Rochefort-sur-Mer et mort le 10 juin 1923 à Hendaye. Considéré comme l'un des auteurs les plus influents de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, notamment pour ses récits de voyages exotiques et ses romans semi-autobiographiques, Loti va profondément marquer la littérature de voyage orientaliste.
L'écrivain français a commencé sa carrière en tant qu'officier de marine, un métier qui a largement imprégné ses écrits, et c’est en 1876 qu’il amarre pour la première fois à Istanbul.
Au cœur des murs ancestraux d'Istanbul, une histoire d'amour se tisse rapidement entre Pierre Loti et la ville. Dès sa première rencontre avec les quartiers pittoresques de la ville et les murmures mystiques de l'appel à la prière, Loti fut envoûté par la magie enivrante de la métropole orientale.
"Istanbul, cette ville éternelle, m'a ensorcelé dès le premier regard. Ses minarets qui se dressent fièrement vers le ciel, ses ruelles labyrinthiques qui invitent à l'exploration, ses parfums envoûtants qui flottent dans l'air, tout cela crée une symphonie envoûtante pour les sens. Chaque coin de rue, chaque pierre ancienne raconte une histoire, et en me perdant dans les méandres de cette cité millénaire, j'ai découvert un monde d'une beauté insoupçonnée. Istanbul, avec sa magie envoûtante, a capturé mon cœur et a fait de moi un amoureux éternel de cette ville légendaire. Istanbul est un livre ouvert, où chaque coin recèle une histoire captivante, où chaque pierre raconte les péripéties d'un passé glorieux et tumultueux."
C'est dans les ruelles étroites d’Eyup qu'il rencontre des âmes tourmentées, capturant leurs histoires de sa plume sensible. Ici, il se lie rapidement d'amitié avec des artisans, des poètes et des intellectuels, partageant des moments précieux dans les cafés enfumés de la ville.
Mais c'est précisement dans le regard d'une femme, - "Aziyadé" de son premier roman éponyme paru en 1879-, que Loti trouvera une connexion plus profonde avec Istanbul.
"Aziyadé était un mirage, une vision éphémère qui avait capturé mon cœur dès notre première rencontre. Elle était la quintessence de la beauté orientale, une muse enchanteresse qui m'inspirait chaque instant passé à ses côtés. Dans les yeux d'Aziyadé, je voyais le reflet de l'Orient tout entier. Sa grâce, sa délicatesse et son charme mystérieux m'emportaient vers des contrées lointaines, où se mêlaient l'amour et l'aventure."
Ce roman semi-autobiographique, acclamé par la critique, offre un portrait saisissant de la société ottomane de l'époque, ainsi que des réflexions profondes sur l'amour, la passion et la quête d'identité. L'œuvre capture l'atmosphère envoûtante d'Istanbul et met en lumière les difficultés d'un amour impossible dans un contexte culturel et social complexe.
Dans la même veine poétique, Loti va davantage accroître sa gloire littéraire avec la publication plus tardive des Désenchantées et Fantôme d’Orient et deviendra l'écrivain par excellence de la littérature stambouliote d’expression française.
Loti le turcophile
Outre sa glorieuse carrière littéraire, Loti était également un écrivain engagé dans les débats de son époque. Ses prises de position controversées, notamment sur l'impérialisme français, ont suscité de nombreuses critiques.
Turcophile absolu, Pierre Loti s’illustre notamment par sa défense exaltée des Turcs, à une époque où l'Empire ottoman fait l’objet de nombreuses convoitises et de campagnes de diabolisation en Europe.
Si bien qu'à partir de la guerre italo-turque en 1911, où l’Italie "se jette sur la Tripolitaine", et tout au long des guerres balkaniques, de la Grande guerre, et de la guerre d'indépendance turque, Loti consacre presque toutes ses dernières oeuvres publiées dans les douze dernières années de sa vie, à prendre la défense des Turcs contre l'impérialisme et la propagande européenne de l'époque.
Publication de lettres, de livres, de tribunes, Loti emploie tous les moyens à sa disposition "dans l’indignation et la souffrance pour démasquer tant d’hypocrites ignominies pour essayer de faire entendre un peu de vérité et pour demander un peu de justice".
Turquie Agonisante; Les Massacres d'Arménie; Les Alliés qu'il nous faudrait; La Mort de notre chère France en Orient; Suprêmes visions d'Orient, publiés de 1911 à 1921, sont des essais entièrement consacrés à prendre la défense des Turcs lors des guerres successives dans lesquels est plongé l’Empire ottoman.
Mettant en cause l’injustice de traitement que subit l’Empire ottoman dans la presse française, "Nous, Français, nous leur avons pris l'Algérie, la Tunisie, le Maroc. Les Anglais leur ont déloyalement enlevé l’Egypte. La Perse est à moitié sous le joug. Et l’Italie vient d’ensanglanter la Tripolitaine, donnant le triste signal de la curée sans merci" s’indigne Loti dans Turquie Agonisante.
"La gloire ainsi que le bon droit, je ne les vois que du côté des admirables défenseurs du sol héréditaire, Turcs ou Arabes, qui, surpris par la brusquerie de l’attaque et n’ayant qu’un armement d’une infériorité pitoyable, se font mitrailler quand même et massacrer comme des héros d'épopée" écrit-il encore dans le Figaro du 6 décembre 1911, en pleine guerre italo-turque.
Pendant les guerres balkaniques qui s’ensuivirent, inquiet de la situation en défaveur des Turcs qui perdent de vastes territoires, Loti fait une nouvelle fois preuve de son attachement incommensurable aux Turcs :
"Si les Slaves sont vainqueurs, si le vieil islam s’écroule, mes projets d’avenir feront comme l’islam (...). Puisqu’il m’est impossible de retourner en Turquie comme officier français, je me ferais turc. Je ne tiens guère à l’Europe occidentale."
Il dénonce par ailleurs l’attitude méprisante de l’Europe pour cette race "foncièrement bonne, brave, loyale et douce" bafouée dans sa tranquillité, dans ses traditions, dans sa foi, trahie de l’intérieur, et par le modernisme déstabilisateur, et n'hésite pas à critiquer "le progrès, la civilisation, le christianisme, c’est la tuerie extra-rapide, la tuerie à la mécanique. Honte! Honte à l’Europe, honte à son christianisme de pacotille. Et, pour la première fois de ma vie, je crois que je vais dire: honte à la guerre moderne".
Dans Suprêmes visions d'Orient, son dernier essai publié peu avant de mourir, Pierre Loti se retire de la scène politique avec la sensation d’avoir rempli son devoir:
"Si j’avais encore mon activité de jadis, avec quel élan je serais allé me faire tuer dans les rangs des défenseurs de l’islam ! Mais si je n’en ai plus la force comme autrefois, au moins je suis fier de me dire que j’ai consacré les dernières lueurs de mon intelligence à soutenir le parti de la vérité !"
Le courage de Pierre Loti toucha profondément les dirigeants turcs. En janvier 1921, Mustafa Kemal lui adressa une lettre pour exprimer la gratitude du peuple turc et lui offrir, en signe de reconnaissance, un tapis tissé par les jeunes filles orphelines de la guerre. Cette marque de reconnaissance témoignait de l'importance et de l'impact de Loti dans le cœur du peuple turc, ainsi que de son engagement envers leur cause.
"Ce tapis est destiné à témoigner de la plus profonde et inaltérable amitié du Peuple turc envers l'illustre Maître, qui, de sa plume magique, a, dans les plus sombres jours de son histoire, défendu ses droits. Nous vous prions de bien vouloir agréer notre cadeau dont l'humble valeur consiste uniquement en ce qu'il témoigne des sentiments de gratitude que nous ressentons envers le Grand et Magnanime Français, Ami et Défenseur du Droit."
Pierre Loti incarne l'essence de la fascination pour Istanbul et la turcophilie. Son amour pour la ville et sa passion pour la culture orientale se reflètent dans ses écrits captivants. Loti a réussi à saisir la beauté, la complexité et les contrastes d'Istanbul, transcendant les frontières géographiques et culturelles pour nous transporter dans un monde empreint de mystère et de poésie.
À travers ses romans, Loti a su capturer l'atmosphère enivrante d'Istanbul, dépeignant avec sensibilité les détails architecturaux, les coutumes locales et les émotions intenses suscitées par la ville. Sa turcophilie transparaît dans ses descriptions élogieuses de la culture, des paysages et des habitants d'Istanbul, mettant en valeur l'héritage riche et diversifié de la ville, mais également par sa défense acharnée de l’Empire ottoman, des Turcs, des Musulmans dans un contexte de convoitise impérialiste.
Pierre Loti a contribué à populariser Istanbul auprès du public occidental, inspirant de nombreux voyageurs et écrivains à découvrir et à explorer cette cité fascinante. Son héritage littéraire témoigne de son attachement profond à Istanbul et de sa passion pour la rencontre des cultures.
Ainsi, grâce à Pierre Loti, Istanbul a acquis une place privilégiée dans l'imaginaire collectif, représentant à la fois l'exotisme, la beauté et la complexité de l'Orient. Son œuvre continue d'inspirer les amoureux des voyages et de la littérature, invitant chacun à plonger dans les "Suprêmes Visions" d'Istanbul et à s'émerveiller devant la grandeur de cette ville unique.