Après une interruption de cinq ans, le ministre turc des Affaires étrangères participera, ce jeudi, à la réunion informelle des hauts diplomates de l'Union européenne (UE), ce qui laisse espérer qu'Ankara et Bruxelles s'efforceront de résoudre des problèmes urgents.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, rencontrera ses homologues de l'UE à Bruxelles le 29 août, à un moment où la poursuite de la guerre d'Israël contre Gaza menace d'élargir le conflit dans la région et où la guerre entre la Russie et l'Ukraine n'est pas près de s'achever.
La réunion exclusive des ministres des Affaires étrangères de l'UE est connue sous le nom de "Gymnich" et se concentre généralement sur les questions de politique étrangère et de sécurité auxquelles le groupe régional est confronté.
"Le rapport Turquie de l'UE, publié en novembre de l'année dernière, souligne l'intention d'une coopération de haut niveau motivée par des besoins géopolitiques. Ce changement découle probablement des préoccupations accrues en matière de sécurité en Europe à la suite de l'agression de la Russie et de l'impact potentiel d'une autre administration Trump aux États-Unis", explique à TRT World le professeur associé Murat Aslan de l'université Hasan Kalyoncu.
"En outre, les défis économiques de l'UE et l'accès stratégique de la Turquie aux ressources et aux marchés vitaux, tels que l'énergie, jouent un rôle crucial".
Les relations de la Turquie avec l'UE ont connu des hauts et des bas ces dernières années, notamment en raison de différends en matière de politique régionale, y compris des tensions en Méditerranée orientale.
La situation a atteint son paroxysme en 2019 lorsqu'Ankara a entrepris des forages en mer en Méditerranée orientale, à la recherche de réserves de pétrole et de gaz.
La Grèce, membre de l'UE, n'a pas apprécié les forages turcs, car elle ambitionne de devenir une puissance énergétique. Les relations s'étant détériorées, Bruxelles a menacé d'imposer des sanctions et a suspendu certains canaux de dialogue avec Ankara.
Toutefois, les liens entre Ankara et Bruxelles se sont progressivement améliorés depuis 2021, avec notamment la reprise des discussions à haut niveau.
Ankara espère que cette initiative permettra d'améliorer les relations avec l'Union européenne, selon le ministère turc des Affaires étrangères.
Le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Oncu Keceli, a exprimé son optimisme quant au fait que la prochaine réunion pourrait aider à surmonter "l'impasse" de 2019. Il a noté que l'invitation de l'UE reflétait une reconnaissance croissante de la nécessité de réparer les relations.
Questions en suspens
Bien que la Turquie soit officiellement candidate à l'adhésion à l'UE depuis 1987, les négociations d'adhésion, qui ont débuté en 2005, sont au point mort. Ankara maintient que l'impasse est due à des obstacles politiques de la part de certains membres de l'UE plutôt qu'à sa propre aptitude à l'adhésion.
Malgré toutes ces divergences, la Turquie reste un partenaire essentiel pour l'UE, notamment en tant qu'État membre de l'OTAN, qui joue un rôle crucial dans le blocage de l'immigration clandestine vers l'Europe.
M. Aslan souligne les conflits actuels et potentiels dans les régions entourant la Turquie, qui a joué un rôle de médiateur et de facilitateur du dialogue de paix, ce que ses pairs européens reconnaissent.
"Les réalisations diplomatiques telles que l'initiative du corridor céréalier et les échanges de prisonniers peuvent influencer positivement la perception de la Turquie par l'Europe", indique M. Aslan.
Alors que l'Europe est confrontée à un climat géopolitique difficile, le rôle de la Turquie dans la gestion des défis sécuritaires liés au terrorisme, aux cybermenaces et à la migration est devenu prépondérant.
Géographiquement à cheval sur l'Europe et l'Asie, la Turquie contrôle des points d'accès vitaux, tels que le détroit d'Istanbul, qui est essentiel pour la logistique militaire mondiale, l'énergie et l'approvisionnement en nourriture.
Plusieurs oléoducs importants passent par la Turquie avant d'atteindre l'Europe, notamment l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), le gazoduc transanatolien (TANAP), le Turkish Stream (Türk Akımı) et l'oléoduc Nabucco.
Toutefois, le gouvernement turc a indiqué qu'il souhaitait que l'UE déplace la discussion sur les questions en suspens qui ont enlisé les relations entre les deux parties.
Oncu Keceli, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a exhorté l'UE à prendre des "mesures concrètes" sur des questions telles que l'adhésion de la Turquie à l'UE, la libéralisation des visas pour les citoyens turcs, la modernisation de l'accord d'union douanière et l'approfondissement des discussions sur les questions économiques, politiques, de transport et d'énergie.
La portée diplomatique de la Turquie s'est élargie ces dernières années, comme en témoignent son rôle dans la libération du Karabakh et ses efforts pour instaurer la paix entre la Somalie et l'Éthiopie.
"L'UE cherchera probablement à obtenir la coopération de la Turquie par le biais de mécanismes bilatéraux sans lui offrir de perspectives d'adhésion. C'est pourquoi la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères, à laquelle Fidan assistera, est cruciale pour la nouvelle approche de l'Europe à l'égard de la Turquie", explique M. Aslan.
"Toutefois, si l'UE tente d'obtenir des concessions de la part de la Turquie sans rien offrir en retour, Ankara pourrait explorer d'autres options. Étant donné l'importance de son économie, de ses capacités de défense et de son influence géopolitique, qui dépassent celles d'États membres de l'UE comme la Grèce ou l'administration chypriote grecque de Chypre du Sud, la Turquie devrait être intégrée à l'Europe", ajoute-t-il.