Une manifestation a eu lieu devant le tribunal de Paris ce matin où la journaliste Ariane Lavrilleux était convoquée par une juge / Photo: AFP (AFP)

Ariane Lavrilleux a été placée sous le statut de témoin assisté en raison de l'intérêt public de l'enquête publiée par Disclose et Complément d'enquête. Après trois heures d'interrogatoire, la journaliste s'est dit soulagée car ce statut signifie qu'il n'y a pas de poursuites à son encontre, du moins à ce stade. Elle était convoquée devant une juge d’instruction du tribunal de Paris pour une enquête publiée en 2021 sur une opération de renseignement menée par la France en Égypte.

Son travail révèlait comment une opération française de renseignement a été utilisée par l’Égypte pour bombarder des opposants, dont des civils, dans la zone frontalière de la Libye. La France a mis sur pied en 2016 une mission de surveillance nommée Sirli pour aider le Caire à lutter contre le terrorisme. Le maréchal Sissi a utilisé les renseignements français pour bombarder des villages qui auraient abrité des contrebandiers. L’enquête révèle également que la France a été informée de ces dérives et n’a pas arrêté sa coopération avec l’Égypte.

Pour son enquête, Ariane Lavrilleux a consulté des documents frappés du sceau “confidentiel défense”. Suite à la publication de son article, le ministère des Armées avait porté plainte, ce qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête confiée à la DGSI. Les services français souhaitent connaître la “taupe” qui a aidé le média et voulent obtenir l'identité des sources de la journaliste.

Une loi sur la protection des sources détournée

La journaliste, qui a eu droit à une garde à vue puis une perquisition fin 2023, risquait une mise en examen. Ses comptes ont été épluchés, son téléphone géolocalisé, et elle a fait l’objet d’une filature.

Ariane Lavrilleux aurait pu être mise en examen ce vendredi pour “appropriation et divulgation de secret de la défense nationale” – des infractions passibles de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

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L’avocat de la journaliste dénonce une violation du principe du secret des sources, garanti par la loi de 2010 pour la protection des sources des journalistes. Cette loi établit le principe intangible de la protection des sources et dispose qu’un journaliste n’a pas à les divulguer, sauf, dit la loi, si un “impératif prépondérant d’intérêt public” le rend nécessaire.

La formulation est sujette à différentes interprétations et les juges français l’ont interprétée de différentes manières. Ce matin sur France Inter, la journaliste Anne Lavrilleux s’inquiétait du fait que cette loi soit détournée. Pour elle, c’est très grave et il faut réformer cette loi. 27 journalistes ont ainsi été convoqués par la justice depuis 2010. Cette semaine, une centaine d'organisations dont Reporters sans frontières ont écrit au gouvernement pour que cette loi soit revue.

TRT Français et agences