Nicolas Sarkozy avait reçu, en grandes pompes, l'ancien président libyen Mouammar Kadhafi / Photo: AP (AP)

C’est un procès historique qui s’ouvre lundi 6 janvier 2025 au tribunal correctionnel de Paris. L’ancien chef d’état, Nicolas Sarkozy, comparaît pour “corruption passive, financement illégal de campagne électorale, association de malfaiteurs et recel de détournement de fonds publics libyens”. Dans ce procès, prévu jusqu’au 10 avril prochain, douze prévenus comparaissent. Parmi eux, trois anciens ministres.

Présumé innocent jusqu’au jugement, Nicolas Sarkozy, président de la République française entre 2007 et 2012, retourne dans le box des accusés. Supposément impliqué dans l’affaire dite “libyenne”, l’ancien chef d'État enregistre une première condamnation ferme. Après le rejet de ses pourvois en cassation par la Cour d’Appel de Paris, Sarkozy a bien été condamné pour corruption et trafic d’influence. Trois ans d’emprisonnement dont un an ferme sous bracelet électronique pour des écoutes illégales dans l’affaire dite “Bismuth”.

La nouvelle, tombée le 18 décembre dernier, a confirmé une sentence inédite pour un ancien président de la République française dans un contexte où plus de 80% des Français interrogés se méfient de leurs représentants politiques.

Malgré cette première décision sans précédent, l’affaire libyenne devrait marquer un tournant supplémentaire pour Nicolas Sarkozy. La liste -très étoffée- des charges qui pèsent contre lui en atteste.

Au-delà de l’accusation de “corruption” et de “financement illégal de campagne électorale”, la qualification d’”association de malfaiteurs” jette un opprobre supplémentaire sur l’ex-président français. Pourquoi ? L’accusation de “corruption” bien que problématique pour un représentant politique relève d’un fléau répandu dans de nombreux pays, institutions voire entreprises.

En France, l’association dédiée à la lutte contre la corruption (et dont le gouvernement de Attal a refusé le renouvellement d’agrément) estime que ces pratiques représenteraient un montant de 120 milliards d’euros. Si les experts misent sur une fourchette pour la France comprise entre 8 et 120 milliards, la sphère politique mais aussi la haute fonction publique française est coutumière de ces actes illégaux.

En octobre dernier, l’ancien préfet Alain Gardère a été condamné à deux ans de prison ferme dont un an ferme pour “corruption, trafic d’influence et prise illégale d’intérêts”. En macronie, aussi, les scandales ont ponctué les allées du pouvoir depuis 2017. Dernier rebondissement en date, le cas de Rachida Dati, ministre de la Culture.

Empêtrée dans ses liens avec Carlos Ghosn, ex-patron du groupe automobile Renault-Nissan, elle devrait se frotter à la justice prochainement. En novembre dernier, le Parquet national financier (PNF) a requis un procès pour corruption pour trafic d’influence. Soupçonnée d’avoir perçu 900 000 euros de la part du groupe, l’épée de Damoclès de la ministre, reconduite dans le gouvernement de François Bayrou, illustre la banalisation des soupçons de corruption au sein du monde politique, à commencer par le pouvoir exécutif.

Un point saillant du parcours judiciaire de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, qui avait fait de la sécurité et de la lutte contre la délinquance son cheval de bataille. Personne n’a oublié la fameuse harangue, en 2005, “vous en avez assez de cette racaille” lancée à une habitante de la populaire “dalle” d’Argenteuil, au lendemain de la mort d’un jeune garçon tué par une balle perdue à La Courneuve.

Le premier flic de France promettait de ”nettoyer au karcher” ces quartiers. Une formule restée célèbre qui, forcément, aurait dû agir pour Nicolas Sarkozy comme un gage d’exemplarité. Vingt ans après, la formule prend un relief cruel.

Parmi les charges qui pèsent sur Nicolas Sarkozy, la qualification “association de malfaiteurs” renvoie, directement, aux pratiques dignes du grand banditisme mis en place pour financer sa campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2007. Selon l’article 450-1 du Code pénal, cette infraction correspond à “tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement”.

En d’autres termes, la justice française devra montrer s’il a reçu des fonds libyens ou non pour ses ambitions en pactisant avec des dignitaires libyens, à commencer, donc, par Mouammar Kadhafi, à la tête du pays de 1962 à 2011 et reçu dans une tente installée dans la cour de l’Elysée en 2007.

Une accusation documentée, en partie, par le travail d’investigation mené par Mediapart et un document dont le média en ligne a eu possession dès 2012. Un écheveau judiciaire né dès 2007 avec la vente obscure de matériels militaires à Kadhafi et qui connaîtra comme point clé la reconnaissance précoce par la France du Conseil national de transition en mars 2011.

La mort de Kadhafi, en octobre de la même année, porte les regards sur la France, qui avec le Royaume-Uni ont lancé l’opération militaire en Libye. Dans le document publié par Mediapart en avril 2012, signé par Moussa Koussa, chef des renseignements libyens, il est écrit que Kadhafi aurait débloqué “50 millions d’euros” pour la première campagne présidentielle de Sarkozy.

Le procès fleuve qui s’ouvre devrait permettre d’éclairer, documents à l’appui, les relations de la France avec un régime, celui de Kadhafi, critiqué mais bien utile du point de vue commercial et stratégique si l’on en croit l’accusation. L’ancien chef d’Etat risque 10 ans de prison.

TRT Francais