Le Président français a affirmé qu'il "ne demandera pas pardon à l'Algérie" pour le passé colonial de son pays. S'exprimant dans une longue interview accordée, mercredi, à l’hebdomadaire "Le Point", Emmanuel Macron a rejeté catégoriquement cette demande, maintes fois exprimée par des responsables algériens.
"Je n'ai pas à demander pardon, ce n'est pas le sujet, le mot romprait tous les liens. Je ne demande pas pardon à l'Algérie et j'explique pourquoi", a-t-il affirmé, précisant que " le seul pardon collectif qu'il a demandé, c'est aux harkis" .
"Parce qu'une parole avait été donnée par la République qu'elle avait trahie plusieurs fois. Celle de les protéger (les Harkis, NDLR), de les accueillir. Là, oui. J'ai demandé pardon, aussi, à la famille de Maurice Audin et aux petits-enfants d'Ali Boumendjel car, à travers ces destins singuliers, une responsabilité, de certains gouvernements, d'un système et, à travers eux, de la France, était manifeste. Une faute chaque fois spécifique et indiscutable", a-t-il souligné.
Pour le reste, a-t-il estimé, "c'est un chemin qui laisse à voir une réalité, celle qui veut que l'identité soit une narration, un récit qui continue". "Aujourd'hui, ces récits se regardent encore en miroir, malheureusement", a-t-il ajouté. Le Président français a qualifié de "danger ces moments où soit on cède à ces demandes, soit on se cabre en répétant : Je n'ai rien à dire, rien à faire. Et c'est le "on n'a rien à faire ensemble” qui est le pire alors dans cette histoire commune".
Il a salué, dans ce sens, l'entente avec le Président algérien Abdelmadjid Tebboune sur l'engagement d'une discussion sur le sujet. "Aujourd'hui, ces moments de tension bilatéraux nous prennent beaucoup de temps, et ce n'est pas si grave. Il y a là le début d'une discussion. C'est une conversation qui doit se poursuivre. C'est ce qui m'intéresse le plus. Je n’ai pas à demander pardon, ce n’est pas le sujet", a-t-il enchaîné. Selon lui, "le pire serait de conclure : On s'excuse et chacun reprend son chemin".
"Solde de tout compte"
Poursuivant son raisonnement, Emmanuel Macron dira qu'il ne faut pas aller vers "le solde de tout compte". "Là, la fausse réponse est aussi violente que le déni. Parce que, dans ce cas, ce n'est pas la vraie reconnaissance. C'est le solde de tout compte. Le travail de mémoire et d'histoire n'est pas un solde de tout compte. C'est, bien au contraire, soutenir que dedans il y a de l'inqualifiable, de l'incompris, de l'indécidable peut-être, de l'impardonnable", a-t-il soutenu.
S'exprimant sur la réaction algérienne à la suite de ses propos proférés en novembre 2021 sur l'histoire de l'Algérie et son régime, Emmanuel Macron s'est dit "surpris".
"Oui ! Je ne pensais pas que cela allait prendre cette importance. Mais c'est intéressant parce que ces moments de tension nous apprennent", a-t-il indiqué. Pour lui, "c'est impossible de réussir si on n'apprend pas de ces tensions". "Il faut du coup savoir se retendre la main et s'engager, ce que nous avons su faire avec le président Tebboune", a-t-il ajouté.
Toujours sur le même sujet, il est revenu sur l'insistance, du côté algérien, sur la demande d'excuses. "Du côté algérien, la demande d'excuses sert à valider un récit national uniforme, sans travail sur soi : on pense que si la France s'excuse, cela valide le récit national algérien dans sa totalité artificielle. Cela nous dispensera de la reconnaissance de l'Histoire dans sa complexité, ses milliers de morts entre Algériens durant cette période. La demande d'excuses à la France sert parfois à se dérober à la vérité et arbitre faussement l'Histoire", a-t-il jugé.
Pas de réaction algérienne
Ces propos de M.Macron n'ont pas encore suscité des réactions du côté algérien. Mais dans une récente interview avec des journalistes algériens, le président Abdelmadjid Tebboune a insisté sur la reconnaissance, par la France officielle, des crimes coloniaux commis en Algérie depuis le début de la colonisation du pays en 1830. Le chef de l'Etat algérien a évacué la "demande de repentance" qui a une "connotation religieuse".
"Nous attendons la reconnaissance totale de tous les crimes commis par la France coloniale", avait-il précisé. Il avait cité, au passage, les étapes douloureuses de la colonisation qui "a débuté avec l'extermination, pendant 40 ans, de tribus entières, des villages entiers décimés et les enfumades. Ensuite, il y a eu la période de la spoliation, quand les terres étaient confisquées aux Algériens pour être distribuées à des Européens".
Il avait, également, cité "l'horreur du 8 mai 1945 avec 45 000 morts et enfin la Guerre de libération, quand les Algériens ont pris les armes pour libérer leur pays". "Reconnaître ces faits est important", avait insisté Tebboune.