La palmeraie de Marrakech fait face à des défis de plus en plus alarmants, sous l'effet conjoint des épisodes de sécheresse consécutifs et du manque d'entretien (Photo TRT Français) (Others)

Considérée autrefois comme un bassin agricole périurbain florissant, la palmeraie de Marrakech, affectée par des épisodes récurrents de sécheresse et d'une urbanisation effrénée, se résume aujourd'hui à une attraction touristique déclinante. Pourtant, cette vaste plantation de palmiers fut, au début du XXe siècle, une oasis verdoyante, en contraste saisissant avec les terrains arides environnants, une réalité documentée, entre autres, par les archives photographiques issues de l'époque coloniale.

«La palmeraie fut un lieu de sauvegarde de la biodiversité agricole, caractéristique des oasis, avec les palmiers dattiers comme espèce emblématique dominante, mais aussi avec une strate arborée -grenadiers, citronniers, amandiers, oliviers- ainsi que des strates des cultures annuelles-céréales, fourrages, etc-. L'enchevêtrement de ces cultures et leur couplage avec l'élevage, créent les conditions d'une activité agricole durable et résiliente aux chocs climatiques et économiques», fait savoir à TRT français Mohamed Taher Sraïri, spécialiste de l’agriculture oasienne.

Création des Almoravides et s'étendant sur plusieurs milliers d'hectares, la palmeraie servait à la fois de rempart contre la désertification et offrait l'ombre nécessaire au développement de cultures nourricières, grâce au système d'irrigation sophistiqué des khettaras. «Ce réseau complexe permettait de développer une diversité végétale exceptionnelle, centrée autour du palmier dattier», souligne l'architecte Soad Belkeziz dans son ouvrage Le Miracle de l'eau, Marrakech, cité-jardin idéale.

Zone désertique

Autrefois ponctué d'îlots de verdure, ce vaste territoire est aujourd'hui devenu une immense étendue aride. Les khettaras, ces canaux souterrains autrefois vitaux pour son irrigation, sont désormais pour la plupart enterrés et inopérants. Cette dégradation semble laisser indifférents les acteurs économiques, y compris les opérateurs touristiques, pour qui la palmeraie a cessé de jouer son rôle esthétique. Là où l'on proposait, dans le temps, des balades éco-responsables à dos de dromadaires, l'endroit s'est mué en un espace dédié aux quads et aux courses extrêmes.

Les facteurs du déclin de cette région sont clairement identifiés : sécheresse persistante, exploitation excessive des nappes phréatiques et expansion urbaine rapide. La diminution des précipitations, combinée à l'exploitation intensive des ressources en eau, a aggravé cette vulnérabilité. Marrakech dépend, aujourd'hui, principalement du barrage Al Massira pour son approvisionnement en eau, tandis que le déficit en eau des nappes phréatiques locales complique la gestion et la préservation des zones écologiques. «Le niveau de la nappe phréatique fluctue sensiblement, avec une zone nord-ouest de la palmeraie plus humide comparée à la partie nord-est, nettement plus aride», explique Abdelilah Meddich, professeur de biotechnologie et physiologie végétale à l'Université Cadi Ayyad.

Les ravageurs, une menace existentielle

Au-delà des contraintes climatiques, d'autres éléments naturels aggravent cette dégradation, notamment le vieillissement des palmiers et la pauvreté des sols. Les recherches ont mis en lumière la menace que représentent certains ravageurs, comme les larves de potosia opaca et la cochenille blanche parlatoria blanchardi, qui exigent des traitements spécifiques pour limiter leur expansion. Le manque d'entretien de la palmeraie s'explique aussi par la diversité des statuts fonciers, freinant les investissements à long terme. «Près de 50% des terres sont soit habous [Terme de droit musulman désignant des biens non vendables], soit du domaine privé de l'État, des statuts peu propices aux investissements durables», indique Mohamed Sraïri.

L'avenir de la palmeraie signifie-t-il nécessairement sa disparition? «Absolument pas», affirme le professeur Meddich. Les palmiers adultes, malgré les faibles précipitations typiques de la région Marrakech-Safi, peuvent survivre avec un état de santé variant de modeste à précaire. Leur robustesse repose sur des systèmes racinaires bien développés, capables d'extraire l'eau disponible du sol. Cependant, pour les jeunes palmiers récemment plantés, un arrosage régulier est indispensable pendant les premières années, habituellement entre trois et cinq ans. En ce sens, un programme de sauvegarde, initié en 2006 par la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement, a permis de planter près de 580 000 jeunes arbres, contribuant ainsi à la revitalisation de cette oasis emblématique.


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