Récemment encore, alors que des journalistes de la BBC et de la CNN ont dénoncé le récit pro-israélien et le rôle de ces chaînes dans la déshumanisation des Palestiniens; ou encore BFM TV, qui a été félicité par le porte-parole de l’armée israélienne en personne, pour leur couverture médiatique “réussie” du conflit, la question de cette complicité médiatique devient d’autant plus cruciale et pourrait avoir des répercussions juridiques.
Responsabilité légale des médias
C’est en tout cas ce qu’affirme Craig Mokhiber, ancien directeur de l’organisme de défense des droits de l'homme de l’ONU, qui avait démissionné de son poste en octobre 2023, après être arrivé à la conclusion que les États-Unis, le Royaume-Uni et une grande partie de l'Europe ont été "totalement complices de l'horrible agression" perpétrée par les Israéliens à Gaza.
Dans un tribune publiée dans Mondoweiss, Mokhiber affirme que les médias occidentaux ne peuvent pas se soustraire à leur responsabilité légale face au rôle qu’ils ont joué dans la propagation de la propagande israélienne.
Il rappelle que la liberté d'expression, bien qu'essentielle, ne doit pas servir de bouclier pour justifier des discours qui portent atteinte aux droits humains.
Selon lui, les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme étaient conscients que les mots peuvent être une arme destructive.
Ainsi, la Déclaration stipule que la liberté d'expression ne doit pas permettre de "commettre un acte visant à la destruction des droits et libertés" d'autrui.
Les précédents historiques
Mokhiber évoque ainsi des précédents historiques, notamment le procès de Nuremberg, où l’éditeur Julius Streicher a été condamné pour incitation à la haine.
Il rappelle également que le Tribunal pénal international pour le Rwanda avait reconnu la culpabilité de personnalités médiatiques dans l'incitation au génocide rwandais.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) avait condamné trois personnalités médiatiques pour leur rôle dans l’incitation au génocide rwandais.
Deux travaillaient pour la télévision et la radio des Mille Collines et un autre pour le journal Kangura. Tous trois ont été reconnus coupables d’incitation au génocide (entre autres crimes).
Lors de la sentence, la juge Navi Pillay (aujourd’hui commissaire à l’enquête internationale de l’ONU sur les crimes israéliens) avait sévèrement réprimandé les coupables :
“Vous étiez pleinement conscients du pouvoir des mots, et vous avez utilisé les médias de communication avec la plus large portée publique pour diffuser la haine et la violence... Sans arme à feu, machette ou toute autre arme physique, vous avez causé la mort de milliers de civils innocents”.
Ainsi, “Der Stürmer savait ce qu’il faisait. Mille Collines savait ce qu’il faisait. Et aujourd’hui, CNN, Fox, BBC, le New York Times, et le Wall Street Journal savent ce qu’ils font” s’indigne Mokhiber.
Ces exemples montrent donc, selon lui, que les médias ont un pouvoir immense et qu'ils peuvent, par leurs discours, entraîner des conséquences catastrophiques pour des millions de vies.
En occultant les réalités sur le terrain et en déshumanisant les victimes palestiniennes, les médias occidentaux influencent non seulement l'opinion publique, mais également les décisions politiques des gouvernements occidentaux, complices par leur soutien à Israël.
Cette dynamique crée une culture de l'impunité qui permet aux violations des droits humains de se perpétuer sans responsabilité.
Face à cette situation alarmante, Mokhiber appelle les citoyens à agir et exhorte chacun à se désabonner des médias traditionnels qui perpétuent ces narrations partiales et à soutenir les médias indépendants. Cet acte de désobéissance pacifique permettrait une résistance face à une machine médiatique complice.