Le permis de conduire à vie pourrait bientôt disparaître/ Photo: AFP (AFP)

Plus de 20.000 personnes meurent chaque année sur les routes de l'UE et 160.000 sont gravement blessées. Pour réduire le nombre d'accidents, une réforme des règles européennes est examinée mardi par les eurodéputés qui se prononceront mercredi.

Le texte, qui devra encore être négocié avec les Etats membres, prévoit que les permis de conduire soient valables seulement 15 ans pour les motos, voitures et tracteurs, 5 ans pour les camions et bus. Pour obtenir et renouveler le précieux document, un bilan de santé sera obligatoire.

"Cette loi ne vise pas à embêter les gens" a plaidé mardi l'eurodéputée Karima Delli (Europe Ecologie), rapporteure du texte. Il s'agit de tester "la vue, l'ouïe et les réflexes" des conducteurs, pas seulement les plus âgés mais "tout le monde, dès l'obtention du permis", a-t-elle expliqué lors d'un point presse.

La réforme s'inscrit dans la stratégie européenne en matière de sécurité routière qui vise à réduire de 50% le nombre de morts et de blessés sur les routes de l'UE d'ici à 2030, en se rapprochant de l'objectif de zéro mort d'ici à 2050.

Pauline Déroulède, joueuse de tennis-fauteuil qui représentera la France aux jeux paralympiques, soutient activement la mesure. Percutée par la voiture d'un nonagénaire qui a "confondu l'accélérateur et le frein", elle a perdu sa jambe gauche en 2018.

"Ma vie a été brisée", a-t-elle témoigné devant des journalistes. Quant au conducteur, "il savait qu'il n'était plus capable de conduire mais il repoussait l'échéance. Il m'a dit que s'il y avait eu une loi, il l'aurait respectée", a-t-elle raconté, regrettant qu'en France, on s'en remette à la "responsabilité individuelle" de chaque automobiliste.

Et Floraine Jullian, 27 ans, du collectif "Sauver des vies c'est permis !", a perdu en novembre sa mère, "renversée par un monsieur qui a cru qu'il avait renversé un objet".

"C'est une fin terrible et complètement évitable", a-t-elle témoigné, soutenant l'instauration d'une visite médicale, une mesure "simple, concrète et efficace".

Mais la proposition provoque une levée de boucliers.

"Hostile aux automobilistes"

L'association française des usagers de la route "40 millions d'automobilistes" dénonce une mesure "ouvertement hostile aux automobilistes".

"Est-ce qu'on repasse son bac tous les 15 ans? Non! Le permis de conduire est un diplôme, un droit acquis qui ne peut et ne doit être remis en question qu'en cas de non-respect répété des règles imposées par le Code de la route", estime Pierre Chasseray, délégué général de l'association.

Jean-Paul Garraud, président de la délégation française du groupe d'extrême droite Identité et Démocratie, soutient un amendement de rejet du texte.

M. Garraud considère la visite médicale comme un "dispositif très contraignant et coûteux". "Dans nos territoires ruraux, il y a beaucoup de personnes âgées, isolées, dont la voiture est la seule ressource pour se déplacer" qui risquent de se trouver "plus isolées" si elles sont déclarées inaptes à la conduite, souligne-t-il.

Karima Delli, qui dit n'avoir "jamais eu autant d'attaques sur une mesure de bons sens", reconnaît qu'il faut "chercher des systèmes de mobilité alternatifs pour ceux qui ne pourront pas conduire".

Elle souhaite l'instauration d'une visite médicale "simple" et "gratuite" et rappelle que des bilans médicaux sont déjà obligatoires dans 14 pays, dès l'âge de 40 ans au Portugal et 50 ans en Italie.

Le projet de révision de directive prévoit également une période probatoire de deux ans pour les conducteurs débutants, qui s'exposeront à des sanctions plus sévères en cas de conduite dangereuse et à des limites strictes en matière d'alcool au volant (jusqu'à 0,2 g/l).

Outre les mesures visant à améliorer la sécurité routière, le projet prévoit l'introduction d'un permis de conduire numérique, disponible sur le téléphone portable et équivalent au permis papier.

Les eurodéputés voteront le texte en première lecture mercredi. Il pourrait ensuite être profondément remanié lors des négociations avec les Etats membres avant que le Parlement ne se prononce sur sa version finale après les élections européennes de juin.

AFP