Il a parlé pendant 45 mn, a souligné les besoins pour les deux pays de renforcer la coopération en matière de sécurité et d’immigration, en matière d’énergie etc…
Pour aussitôt déclarer, “ce nouveau livre porte la possibilité d'écrire une nouvelle page de l’avenir et du développement du continent africain.” Logiquement, Emmanuel Macron fait alors sa déclaration de soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, les députés marocains applaudissent la nouvelle position française sur cette question essentielle pour le royaume.
Mais la suite du discours du chef d’État français multiplie les références à l’Afrique.
“Entre la France et le Maroc, c’est une histoire qui nous appartient mais elle ouvre vers l’Europe et elle ouvre vers l’Afrique. (…) le dialogue entre nos continents peut ouvrir des chemins nouveaux qui ne sont pas seulement ceux de la fuite et de l’exil.” Le Président français cite même les mots que le roi Mohamed VI a prononcés devant l'Union africaine. “L’afrique est mon continent et ma maison”.
"L’Afrique est ma maison "
Où veut-il en venir ? Pour couper court à ceux qui veulent rappeler à la France sa culture Françafrique, il poursuit ainsi: “les lunettes d’hier sont dépassées, nous sommes engagés dans un renouveau de notre relation avec les peuples, avec les Etats. Et le Maroc par sa géographie, par son histoire, sa culture, la vision de ses souverains affirme depuis longtemps sa vocation de plateforme, de truchement”.
La clé est là, la France espère par l’intermédiaire du Maroc renouer avec son passé africain, notamment avec les pays du Sahel avec lesquels les relations sont exécrables depuis l’arrivée au pouvoir de militaires putschistes.
Le Président français assure vouloir s’inspirer du Maroc et de son action au Sahara occidental et au Sahel. Cette stratégie partenariale nouvelle que le pays veut construire avec le Maroc vise l’Afrique pour développer l’agriculture, l’énergie, l’éducation, dit Emmanuel Macron.
Le politologue marocain, Mohamed Tozy confirme que l’ambition est jouable. “Les Rois du Maroc peuvent faire médiation, cet espoir français est jouable, mais le Sahel a changé et la France ne l’a pas vu,” nuance-t-il.
La France n’a pas vu le Sahel changer
Le politologue explique que le royaume du Maroc a toujours eu une vocation africaine. Il a développé cette stratégie depuis le XVIe siècle avec le Sahel, l’ancien Soudan. “C’est dans la culture diplomatique du pays, il y a des liens religieux très forts, des liens économiques depuis longtemps avec les grandes familles de marchands marocains qui ont des activités commerciales en Guinée, en Côte-d’Ivoire et au Mali. Cette histoire a été réinventée, relancée par le roi Mohamed VI dès son arrivée au pouvoir.”
Charles Saint Prot, directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques tient à souligner que “le roi marocain est le commandant des croyants pour toute l’Afrique”. D’où, selon lui, l’influence certaine dont bénéficie le Royaume. “Mais la France a-t-elle changé ? Elle doit changer sa politique dans cette région et accepter les nouveaux dirigeants au Sahel. Il y va de son intérêt.”
Le Maroc a beaucoup investi en Afrique depuis vingt ans. Il est devenu le deuxième plus grand investisseur sur ce continent. Entre 2014 et 2021, le Maroc a multiplié par huit le montant de ses investissements directs étrangers en Afrique, passant de 100 millions de dollars en 2014 à plus de 800 millions de dollars en 2021, selon la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale.
Le trio banques, télécom, industrie sont les secteurs qui investissent le plus sur ce continent. Le royaume y a également signé plusieurs accords de libre-échange.
Un partenariat sans exclusivité
Enfin, il faut ajouter que 30 000 étudiants africains étudient au Maroc, certains militaires qui sont au pouvoir aujourd’hui ont étudié au Maroc. Dans ce contexte, “cela fait sens d’envisager un partenariat Europe, Maghreb, Afrique”, conclut Mohamed Tozy, tout en rappelant la myopie française passée: “la France n’a pas joué la carte de la jeunesse au Sahel, la frustration de ces jeunes est énorme, et surtout il faut ajouter que d’autres pays investissent cette région comme la Russie.”
Enfin, pour le Maroc, c’est un partenariat sans exclusivité. Le royaume travaille aussi avec la Chine, les États-Unis et la Russie et, grâce à son offre logistique en aéroport et en ports maritimes, il suscite l’intérêt.
Charles Saint-Prot conclut tout de même sur une note positive. “Le Maroc a toujours été un partenaire fidèle, la France a fait le bon choix.”