Un journaliste de Reuters présent dans une vaste zone reprise ces derniers jours par l'armée ukrainienne a pu voir des unités de police ukrainienne patrouillant dans plusieurs villes et des caisses de munitions abandonnées par les soldats russes en fuite.
Natalia Popova, conseillère auprès du président du Conseil régional de Kharkiv, a partagé sur les réseaux sociaux des clichés montrant des troupes hissant les couleurs ukrainiennes devant l'hôtel de ville de Koupiansk, le drapeau russe étalé à leurs pieds.
Dans cette ville située il y a encore 72 heures à une cinquantaine de kilomètres de la ligne de front convergent des lignes ferroviaires reliant la Russie à l'est de l'Ukraine.
Selon les experts occidentaux, sa reconquête par l'armée ukrainienne pourrait couper d'importantes lignes d'approvisionnement entre la Russie et le Donbass et fragiliser tout le dispositif russe dans la région, des milliers de soldats risquant de se retrouver encerclés dans le secteur d'Izioum, plus au sud.
A Hrakove, l'un des villages repris par Kiev, des journalistes de Reuters ont vu des véhicules calcinés portant la lettre "Z" utilisée par les forces russes pour s'identifier depuis le début de l'opération lancée par Moscou le 24 février dernier. Dans une cour gisaient trois corps enveloppés dans des sacs mortuaires blancs.
Le chef de la police régionale, Volodimir Timochenko, a déclaré que la police ukrainienne, arrivée vendredi dans cette localité, contrôlait les identités des habitants qui vivaient sous occupation russe depuis le deuxième jour de l’offensive.
"La première mission est de fournir l'aide dont ils ont besoin. Ensuite, il s'agit de réunir des informations sur les crimes commis par les occupants russes", a-t-il dit.
"UNE PROGRESSION TRÈS NETTE ET TRÈS RAPIDE"
Après avoir gardé le silence en réponse aux premières annonces de percée ukrainienne dans la région de Kharkiv dans la soirée de mercredi, Moscou a finalement reconnu vendredi que ses défenses avaient été enfoncées sur une partie de la ligne de front au sud-est de la deuxième plus grande ville d'Ukraine.
Vitali Gantchev, chef de l'administration prorusse dans la partie de la région de Kharkiv contrôlée par Moscou, a fait état d'une "progression très nette et très rapide" des forces adverses. "Nous ralentissons l'ennemi autant que possible mais plusieurs villages sont déjà passés sous le contrôle des forces armées ukrainiennes", a-t-il admis.
Dans sa rituelle allocution télévisée du soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que l'armée ukrainienne avait libéré une trentaine de villages en quelques jours dans la région, et qu'elle poursuivait aussi ses contre-offensives dans le Donbass (est) et autour de Kherson (sud).
"Notre armée, nos unités de renseignement et nos services de sécurité mènent des opérations actives dans plusieurs zones opérationnelles. Ils le font avec succès", a-t-il assuré.
Vitali Gantchev a indiqué que les forces prorusses tentaient d'évacuer les civils qui veulent fuir l'avancée ukrainienne, y compris de la ville d'Izioum, carrefour logistique stratégique pour l'offensive russe dans le Donbass.
Un conseiller de Volodimir Zelensky, Oleksiy Arestovytch, a affirmé dans une vidéo diffusée sur YouTube que les troupes russes basées à Izioum étaient pratiquement isolées, ce qui constituerait un sévère revers pour Moscou.
Des centaines de soldats russes ont été tués depuis que la ligne de front a été percée cette semaine et des centaines d'autres ont été faits prisonniers, a-t-il dit, sans qu'il soit possible de vérifier ces informations, comme celles fournies par les Russes, aucun journaliste indépendant ne pouvant se déplacer librement dans la région.
MOSCOU DIT ENVOYER DES RENFORTS
Après l'avoir négligée pour renforcer le front Sud, la Russie a annoncé avoir envoyé des renforts dans la région de Kharkiv et le ministère de la Défense a diffusé une vidéo de véhicules militaires se déplaçant à grande vitesse sur une autoroute, sans que l'on puisse dire dans quelle direction.
L'armée ukrainienne n'avait pas enregistré d'avancée aussi rapide depuis que les troupes russes ont renoncé à prendre Kiev en mars et se sont retirées précipitamment en direction de la frontière.
"Nous voyons que les Ukrainiens enregistrent des succès à Kherson, nous en voyons maintenant à Kharkiv, c'est très, très encourageant", a commenté le secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, pendant une conférence de presse à Prague.
L'armée russe n'en continue pas moins de bombarder la deuxième ville d'Ukraine, où dix personnes, dont trois enfants, ont été blessées vendredi par des tirs de roquettes, selon le gouverneur de l'oblast de Kharkiv, Oleh Synehoubov.