Depuis le 6 mai, Israël contrôle le côté palestinien du passage de Rafah, à la frontière entre Gaza et l'Égypte.   / Photo: Reuters (Reuters)

La mort survenue lundi dernier d’un militaire égyptien, victime du tir d’un soldat israélien au point de passage de Rafah, à la frontière entre l’Égypte et Gaza, est venue envenimer les fragiles liens entre les deux pays.

L’Égypte est en effet, le premier pays arabe à avoir normalisé ses relations avec Israël, par le traité de paix signé à Washington le 26 mars 1979, dans la foulée des accords de Camp David de 1978.

Ces dernières semaines, la guerre menée par Israël contre Gaza a mis à rude épreuve le semblant de “quiétude” qui existait encore entre Tel Aviv et Le Caire qui ne voit pas d’un bon oeil la progression de l’armée israélienne vers la frontière égyptienne.

“Cibler Rafah et poursuivre la politique visant à entraver l’accès à l’aide humanitaire constituent une véritable contribution à l’exécution de la politique de déplacement du peuple palestinien et de la liquidation de sa cause”, mettait en garde en février dernier Sameh Shoukry, le ministre égyptien des Affaires étrangères dans un communiqué.

Cette déclaration est intervenue après que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a demandé, en début d’année, aux forces et aux responsables de la sécurité israéliens de soumettre à son cabinet un plan combiné pour évacuer la population.

Redoutant l’arrivée en masse de réfugiés palestiniens sur son sol, le président égyptien Abdel Fatah al-Sissi n’a eu de cesse de réitérer que ce serait “la ligne rouge” à ne pas franchir.

Le couloir de Philadelphie… Un enjeu

Présente dès le 6 mai à Rafah où s’entassent 1,5 million d’âmes en détresse, l’armée israélienne continue sa progression dans ce territoire de l’extrême sud de la Bande de Gaza à la frontière égyptienne.

Tout se passe au milieu d'intenses bombardements meurtriers, forçant des milliers de personnes à fuir l'ouest de la ville, vers les ruines de Khan Younis et ce qui reste de certaines zones du centre de la bande de Gaza.

En conséquence, l’armée israélienne est désormais à trois kilomètres de la côte de Rafah. Elle a même déjà engrangé les deux tiers de la zone du couloir de Philadelphie, d’après des sources citées par Anadolu, menaçant d’isoler complètement Gaza du reste du monde.

Le couloir de Philadelphie est une zone tampon longue de 14 kilomètres. Elle longe la frontière entre Gaza et l'Égypte.

C’est une zone démilitarisée suite aux accords de paix de Camp David de 1978 signés entre les dirigeants d’alors, le président égyptien, Anwar El-Sadat et le Premier ministre israélien Menachem Begin.

Lire aussi : Qu'est-ce que le corridor de Philadelphie qu’Israël veut contrôler ?

La médiation égyptienne en question

L’offensive militaire israélienne à Gaza menace en effet le consensus existant depuis 45 ans sur la gestion de cette frontière entre Gaza et l’Égypte tandis que la présence des soldats dans cette zone démilitarisée est source de tension.

Lundi, l'armée égyptienne a annoncé qu’elle enquêtait sur la mort d’un de ses soldats, tué dans une fusillade au poste frontalier de Rafah.

L'armée israélienne a confirmé le même jour qu'un échange de tirs avait eu lieu avec les forces égyptiennes à Rafah, indiquant dans un communiqué que “l'incident fait l'objet d'une enquête et un dialogue est en cours avec la partie égyptienne".

La chaîne israélienne Channel 12 a pour sa part, qualifié la fusillade d’”inhabituelle”, alors que l’armée israélienne est sur la sellette, pour avoir bombardé un centre de déplacés tuant au moins 45 personnes à Gaza.

Après huit mois d’offensive militaire à Gaza, la guerre s’enlise et les négociateurs qataris, égyptiens et américains n’arrivent pas toujours à trouver une issue.

La médiation égyptienne en question

L’échec du dernier round des négociations de paix à Gaza continue d’impacter négativement les relations entre Tel Aviv et Le Caire qui est accusé par les israéliens d’avoir , ”discrètement modifié les termes d'une proposition de cessez-le-feu qu'Israël avait déjà approuvée”. L’accord validé par le Hamas ne serait pas ainsi celui approuvé par Israël.

Par conséquent, les israéliens se disent “trahis”, ce qui approfondit la méfiance entre les deux pays. Selon la chaîne de télévision israélienne I24, “le comité de négociation aurait recommandé au gouvernement de n'accepter que les pourparlers par l'intermédiaire du Qatar”.

Dans cette logique, l'Égypte ne s’occuperait plus que des aspects logistiques liés aux négociations de paix à Gaza.

Il s’agit notamment de “l'entrée de la Croix-Rouge dans la bande de Gaza pour transporter les otages, le transfert des prisonniers palestiniens et la gestion de la question de l'aide humanitaire qui entre par le passage de Rafah.

Alors que le Qatar manifeste des signes de lassitude dans la médiation à Gaza, la tension actuelle avec l'Égypte, un médiateur traditionnel au Moyen-Orient, risque de compromettre la stabilité régionale, met en garde la chaîne de télévision Al Jazeera.

Signe de la dégradation des rapports entre les deux pays, la décision égyptienne de s’associer à la procédure engagée par l’Afrique du Sud à la CPI contre Israël pour crimes contre l’humanité


TRT Français et agences