Beaucoup ont moqué un gouvernement qui s'est fait autour d'une seule idée, créer un socle parlementaire le plus large possible, mais un gouvernement sans programme de coalition de ce fait. Le nouveau Premier ministre a donc voulu pour sa première interview livrer quelques pistes sur son futur programme, à commencer sur l’immigration.
Face à Laurent Delahousse, journaliste vedette de France2, il déroule des arguments mêlant les mots fermeté et sécurité. Michel Barnier estime que les mesures prises par l'Allemagne (contrôle aux frontières), la Grande Bretagne (expulsion vers un pays tiers) ou encore la Suède (aide au retour) pour limiter l’immigration peuvent être des idées à étudier. “Il n’y a pas d'idéologie, on doit être plus ferme sur le sujet, prendre des mesures pratiques’, a-t-il conclu.
À n’en pas douter le nouveau ministre de l’Intérieur issu des Républicains, Bruno Retailleau saura mettre en oeuvre cette "fermeté" promis par le Premier ministre. En tant que président des sénateurs Les Républicains, il a porté et défendu des mesures très dures lors des discussions sur la loi sur l’immigration fin 2023.
Michel Barnier insiste “certains de ces pays sont gouvernés par des sociaux-démocrates, cela doit nous interpeller.”
L'autre dossier qui attend le Premier ministre, c'est bien sûr, celui du budget. Il doit être présenté rapidement à l'Assemblée mais surtout il devra y avoir des choix entre coupe budgétaire ou hausse d'impôt.
"La France est dans une situation grave"
Sur ce sujet, se profile ce que Michel Barnier a déjà communiqué ces derniers jours. Le Premier ministre insiste plusieurs minutes sur la gravité des comptes publics. La dette française est de plus de 3159 milliards d’euros; Paris rembourse chaque année 50 milliards d’euros d’intérêt de la dette.
Dans la foulée, il se veut rassurant, il promet qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts… pour les bas revenus et les classes moyennes, pour les autres, il faudra “un effort national”. Il ne livrera pas plus de détails.
Le journaliste égrène ensuite les dossiers qui ont fait polémique pendant la campagne législative, à commencer par la réforme des retraites avec un âge de départ à 64 ans. Sans surprise, le Premier ministre ne veut pas l’abroger mais l’améliorer avec les partenaires sociaux, dit-il.
Un gouvernement en sursis ?
Enfin la question plane durant la totalité de l'entretien, le gouvernement Barnier va-t-il durer? Il est déjà menacé de censure. Critiqué, moqué, avec un pronostic vital très pessimiste. Lors de sa première interview télévisée en tant que chef du gouvernement, Michel Barnier s'est donc évertué à expliquer sa démarche. Il voulait un gouvernement qui rassemble le plus grand socle possible au parlement, ici, il peut compter sur 230 députés, assure-t-il. Il regrette les menaces de censure d’Olivier Faure, le patron des socialistes, de François Hollande, l’ancien président, et du Rassemblement national.
Michel Barnier leur oppose la culture du compromis qu’il a pratiqué, dit-il, à Bruxelles et à Strasbourg lors de ses postes dans l’Union européenne. Cette culture fait que des gens de milieux et de cultures différents trouvent à un moment donné un accord pour faire avancer les choses, a-t-il expliqué.
Et il le répétera plusieurs fois, il a accepté cette nomination par pur esprit patriotique, “je n’ai pas de plan de carrière, j’ai 73 ans, je veux être utile, servir pendant deux ans.” Il ajoutera un brin moqueur, “je ne me suis pas roulé par terre pour devenir premier ministre.” Il ne donne pas de nom mais certains se reconnaîtront peut-être.
Le nouveau gouvernement compte 39 ministres, il se réunit lundi pour un premier Conseil des ministres.