Ces derniers mois, Israël a considérablement intensifié ses efforts pour établir une présence militaire durable dans le centre de Gaza.
Selon une analyse par le New York Times d’images satellites et de vidéos publiées par des soldats israéliens, l'armée israélienne a démoli des centaines de bâtiments et construit de nouvelles infrastructures militaires stratégiques.
Ce processus de militarisation semble indiquer que le pays prépare une occupation prolongée de la région.
Stratégie de démolition
La militarisation accrue de Gaza soulève des questions sur les intentions à long terme d’Israël. Depuis la guerre des Six Jours en 1967, Israël a maintenu une présence militaire à Gaza, mais a retiré ses troupes et ses colons en 2005 dans le cadre du plan de désengagement.
Cependant, avec sa guerre génocidaire contre Gaza depuis octobre 2023, Israël semble avoir modifié sa stratégie, décidant de renforcer sa présence sur le terrain.
Cette décision se traduit par la construction de dizaines de bases militaires, certaines d'entre elles de grande taille, qui ont été installées dans des zones stratégiques le long du corridor de Netzarim, indique le NYT.
L'armée israélienne a démoli plus de 600 bâtiments autour du corridor de Netzarim, une route clé qui traverse Gaza du nord au sud, dans le but de créer une zone tampon.
En juin 2024, la majorité des structures situées à moins de 800 mètres du corridor ont été rasées, notamment des maisons, des champs agricoles et des installations civiles, selon le journal américain.
Cela a créé une zone militarisée d'environ 42 km carrés, ce que l'armée israélienne considère comme une zone tampon sécurisée.
Selon l’analyse des images satellites, Israël aurait construit ou agrandi au moins 12 bases militaires depuis septembre 2023.
Ces bases sont souvent fortifiées, avec des murs de béton, des routes pavées, des casernes, des parkings pour véhicules blindés, et des installations pour des tours de communication. De plus, des fossés de défense, des buttes de terre et d'autres obstacles ont été placés autour de ces bases pour empêcher toute tentative d'intrusion.
Les bâtiments restants sont souvent entourés de fossés et d’obstacles, destinés à empêcher l’accès aux zones militaires.
Le lieutenant-colonel Shoshani a justifié cette occupation accrue par des raisons opérationnelles, expliquant que tout ce qui avait été construit pourrait être démoli en une journée si nécessaire.
Cependant, l'étendue des fortifications et la rapidité de la construction suggèrent qu’Israël pourrait être en train de se préparer à une présence militaire prolongée dans la région, estime le New York Times.
Le ministre israélien Avi Dichter a clairement indiqué que l'armée israélienne "restera à Gaza pendant longtemps", ce qui laisse présager une occupation qui pourrait durer des années, voire des décennies.
Al Mughraqa : une dévastation humaine et environnementale
Un des exemples les plus frappants de cette stratégie de dévastation est le village d'Al Mughraqa, situé à près de 7 km au sud de Gaza.
Avant la guerre, Al Mughraqa était un village prospère, avec plus de 10 000 habitants, entouré de vergers de citronniers et de champs cultivés de tomates et de concombres.
Cependant, le village a été presque entièrement détruit pendant les mois de la guerre sur l’enclave. Seules quelques rares structures subsistent encore, et la végétation a été anéantie.
Cette destruction ne touche pas seulement l'infrastructure matérielle, mais elle a aussi des répercussions profondes sur les habitants qui, aujourd'hui, se retrouvent dépossédés de leurs terres.
Bashir Abu Kmeil, ancien résident du village, a raconté son expérience, précisant que bien qu'il ait pu revenir temporairement pour vérifier ses biens, l'intensification de la présence israélienne a rendu toute tentative de retour dangereuse.
Il évoque un sentiment de perte irréversible, où il ne reste "rien sauf la dévastation". Son témoignage reflète la souffrance de milliers de Palestiniens qui ont dû fuir leurs foyers, et qui n'ont aucune garantie de pouvoir y retourner.
L’un des aspects les plus inquiétants de cette militarisation est l'impact sur la population civile palestinienne.
Les familles qui ont été contraintes de fuir leurs maisons vivent désormais dans des conditions précaires, souvent dans des camps de réfugiés ou des zones surpeuplées.
Le retour chez eux semble de plus en plus improbable, tandis que les villages et les terres agricoles sont rasés, rendant leur mode de vie antérieur pratiquement impossible.
La situation politique est tout aussi complexe. Les dirigeants israéliens n'ont pas clarifié leurs intentions à long terme concernant le statut politique de Gaza.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exclu la possibilité de rétablir les colonies juives à Gaza pour l'instant, mais certains ministres ont suggéré que la présence militaire en cours pourrait ouvrir la voie à une nouvelle colonisation.
Cette option semble peu probable dans l'immédiat, mais l’expansion militaire soulève des questions sur la manière dont Israël entend gérer Gaza après la guerre.