Cette affaire, qui a mis près de 25 ans à être jugée, concerne le groupe d'intérim Adecco et deux anciens directeurs de l'agence Paris-Montparnasse. Ils ont été renvoyés en correctionnelle le 25 juillet 2021 par la Cour d'appel de Paris pour "fichage à caractère racial" et "discrimination à l'embauche". Au total, 500 intérimaires du secteur de l’hôtellerie-restauration en Île-de-France entre 1997 et 2001 auraient été victimes de cette discrimination. Actuellement, quinze d'entre eux se portent partie civile.
Selon les informations du média Streetpress, cette affaire met en lumière les pratiques discriminatoires de l'agence Adecco, qui classait les intérimaires en fonction de leur couleur de peau, utilisant les mentions PR1, PR2, et PR4 pour distinguer les non-noirs des personnes de couleur.
Ainsi, selon la partie civile, dont SOS Racisme, qui a porté l’affaire en justice, "cette classification a eu pour conséquence que les intérimaires noirs étaient souvent cantonnés à des postes subalternes, comme la plonge".
L'enquête de Streetpress révèle également que d'autres entreprises ont été impliquées dans des pratiques similaires.
Par exemple, L'Oréal a été condamnée en 2009 à 30 000 euros d'amendes pour "subordination d'offre d'emploi à un critère discriminatoire", après avoir demandé des "jeunes femmes BBR" (bleu blanc rouge) pour ses présentations.
En 2011, en Belgique, le groupe d'intérim a été condamné à verser 25 000 euros de dommages et intérêts pour "pratiques illégales de discrimination à l'embauche" en utilisant le code BBB pour "Bleu Blanc Belge".
De même, le parc d’attraction Euro Disney aurait également demandé des employés "BBR".
Malgré ces condamnations antérieures, l'affaire Adecco a mis en évidence les lacunes de la justice en matière de discrimination raciale à l'époque, avec des non-lieux et des retards considérables dans le traitement de l'affaire. Les parties civiles espèrent cette fois-ci que le procès permettra de faire toute la lumière sur ces pratiques discriminatoires et de les condamner sévèrement.
En effet, le retard est dû principalement au fait que les juges d’instruction ont refusé de caractériser le "délit" sous prétexte que l’agence employait des personnes de couleurs.
Influence de l’Elysée
Par ailleurs, Streetpress note également les liens étroits entre Adecco et le gouvernement, notamment par l'entremise de personnalités telles que Sibeth Ndiaye, devenue la secrétaire générale France du groupe, après avoir quitté l'Élysée. Cette proximité avec l'Élysée soulève des questions sur l'influence de l'entreprise dans les cercles politiques et ses retombées sur la manière dont ces affaires de discrimination sont traitées.
Dans cette nouvelle affaire, la plus longue instruction de l’histoire de la France, Adecco risque une amende de 1,65 million d'euros en cas de condamnation, tandis que les deux anciens directeurs d'agence encourent jusqu'à 330 000 euros d'amendes chacun et sept ans de prison.