Au départ, l’affaire est simple. L’association Irchad qui gère la mosquée Ibn Badis de Nanterre souhaite acheter un terrain communal qui jouxte la mosquée pour pouvoir l’agrandir après que l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) qui occupe le site a annoncé son départ.
Chaque vendredi, 2 000 fidèles se regroupent pour prier dans la mosquée actuelle qui a une capacité de 1400 personnes. D’où l’idée d’agrandir la mosquée ouverte en 2005. Un accord pour la vente du terrain est trouvé avec la commune en 2019.
Le Covid suspend le projet mais l’association qui gère la mosquée le relance en 2021. Et cette fois, rien ne va plus. Si la commune n’a pas changé d’avis, la préfecture des Hauts-de-Seine a changé d’attitude. Désormais, elle ne veut plus entendre parler du projet.
Entre-temps, Gérald Darmanin est arrivé au gouvernement comme ministre de l’Intérieur, le préfet des Hauts-de-Seine est un proche de Macron et surtout le président de la République a prononcé quelques mois auparavant (octobre 2020) le discours des Mureaux sur le “séparatisme islamiste”.
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Acharnement de la Préfecture
La préfecture fait casser la décision du conseil municipal de mars 2021 qui confirme la vente du terrain à l’association Irchad. En 2024, celle-ci conteste à nouveau le vote du conseil municipal sous prétexte que le prix du terrain serait sous-évalué, rapporte Médiapart.
Le 10 février dernier, le conseil municipal de Nanterre réexamine ce projet de vente avec un prix réévalué, avec le désamiantage demandé par la Préfecture. Toutes les exigences de l'administration sont prises en compte dans la vente.
Coup de théâtre, la Préfecture annonce ce 10 février par courrier vouloir ouvrir un Épide (Établissement pour l’insertion dans l’emploi), justement sur le terrain convoité par la mosquée.
La Préfecture dit se méfier de cette mosquée
Selon Médiapart, les responsables de l’État impliqués dans ce dossier accusent le président de l’association qui dirige la mosquée de faire du prosélytisme et de critiquer la Préfecture et la République.
Interrogé par Médiapart, Raphaël Adam, le maire de Nanterre, fait le constat suivant: “On assiste à un repli complet sur ces questions. L’État s’est crispé et s’est durci dans son rapport à l’islam”.
Rachid Abdouni, le président de l'association Irchad regrette ce double-discours de l’Etat. “Il y a encore quelques années, on était reçus à la préfecture pour des petits-déjeuners sur la prévention de la radicalisation ou pour les vœux du préfet. On échange régulièrement avec les renseignements généraux, qui nous connaissent et avec lesquels on n’a aucun souci. Et d’un coup, on deviendrait des opposants à la République infréquentables ? On dirait que le pouvoir est schizophrène. Je n’arrive pas à comprendre ce double discours“.
Dans les Hauts-de-Seine, l’État a un agenda anti-musulman
L’une des explications apportée par Médiapart est la suivante. Le préfet des Hauts-de-Seine, Alexandre Brugère serait la cause de l ‘obstination de l’Etat. Le haut fonctionnaire était, jusqu’à l’été 2024, le directeur de cabinet de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, c’est également un militant et ex-candidat du parti Les Républicains.
Le maire de Nanterre s’étonne des méthodes du fonctionnaire. La décision de la Préfecture du 10 février est envoyée sur le whatsapp du maire et mise en copie aux seuls médias détenus par le très conservateur Bolloré: Cnews, Europe 1 et La tribune du dimanche ! Des médias qui sont friands de ce genre d’information et qui martèlent le danger de l’Islam en France à longeur d’articles.
Le maire de Nanterre est lui décidé à honorer la parole donnée aux dirigeants de la mosquée. La préfecture peut essayer de casser la décision de vente du 10 février dernier mais elle ne peut le faire que sur la forme, et elle l’a déjà fait plusieurs fois. Le Tribunal administratif pourrait donc refuser une énième fois la procédure.