Les agriculteurs sont à nouveau dans la rue et la colère est de plus en plus palpable. Ces derniers jours, à l’appel de la FNSEA, ils ont muré, peinturluré, ou recouvert de fumier ou de déchets une trentaine de permanences de députés.
Ces actions revendiquées par la FNSEA, ont surtout visé des députés du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national, les deux partis qui ont voté la motion de censure qui a fait tomber le gouvernement Barnier.
Mercredi, les protestataires ont investi l'Autoroute 62 à Toulouse (Haute-Garonne) et ont bloqué la circulation pour contrôler la marchandise des camions étrangers. Les accords du Mercosur restent inacceptables pour les agriculteurs.
Autre lieu, autre action avec toujours l’Europe en toile de fond. Dans le Pas-de-Calais, l'indignation est la même. À Dijon (Côte-d'Or), des tracteurs ont déversé des pneus devant la Maison de l'Europe.
Sans gouvernement, les agriculteurs ne savent pas à qui parler.
Quelle stratégie maintenant ?
La fronde agricole est bien le signe d’un malaise profond. Certains ne peuvent même pas vivre dignement de leur travail, d’autres ne peuvent gérer les normes et dossiers et règlements qui leur tombent dessus qui demandent un travail administratif important.
Ange Loing est élu FNSEA dans le Haut-Rhin en Alsace. Il élève du bétail et produit du lait. Il a choisi de produire en bio et s’est associé avec trois autres collègues pour monter un magasin de produits fermiers en vente directe. Pour lui, le Mercosur est comme un coup sur la tête. “Comment je peux m’aligner sur des viandes produites en agriculture intensive, mes produits à moi seront trois à quatre fois plus cher, donc le consommateur devra choisir un modèle d’agriculture”.
La Confédération paysanne a organisé quelques actions pour protester contre cet accord avec le Mercosur. Par exemple, ils ont symboliquement échangé des voitures contre des vaches, une allusion aux ventes de voitures espérées par l’Allemagne contre la vente de viande de boeuf par le Brésil. Ce syndicat agricole a fait des prix minimum son dossier numéro 1.
Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne insiste auprès de TRT Français qu'elle a peu d’espoir que le prochain gouvernement entende la grogne des agriculteurs. “Il faut que les politiques arrêtent de n’entendre qu'un syndicat qui défend les grandes exploitations (FNSEA). Toutes les politiques mises en place par les différents gouvernements ont échoué. Elles n’ont pas réussi à garder des paysans et garder des fermes.” Le recensement agricole de 2020 le démontre. Entre 2010 et 2010, la France a perdu 100 000 fermes environ, et ce sont les petites exploitations et les éleveurs qui ont le plus souffert durant cette période.
Une agriculture sans agriculteurs ?
La France compte 400 000 exploitations agricoles avec des réalités très différentes. Certains agriculteurs sont en production industrielle comme en Nouvelle-Aquitaine dans le secteur de la production de légumes de plein champ où des industriels essaient d’assurer leur approvisionnement ou dans les grandes exploitations viticoles en Bourgogne ou dans le Bordelais. Cela se retrouve aussi dans certains élevages porcins de l’ouest.
D’autres exploitations sont sur un modèle plus familial, et on voit aussi certains agriculteurs choisir un mode de production conforme à leurs valeurs avec du bio ou des circuits courts. Mais si un temps, la filière bio était un choix économiquement intéressant, avec de meilleurs prix à la vente et moins de pression sur les volumes de production, aujourd’hui les consommateurs boudent le bio à cause de la crise et de l’inflation.
“Une agriculture sans agriculteurs”, c’est le titre un peu provocateur de l’ouvrage du sociologue François Purseigle. Il jette un regard assez désabusé sur l’état de l’agriculture française et insiste surtout sur le fait que le malaise est protéiforme, presque unique à chaque exploitation.
Selon l’auteur, le taux de pauvreté des agriculteurs est de 18%
Pour François Purseigle, les agriculteurs sont “percutés” par des crises multiples, crise climatique, crise sanitaire avec plusieurs épidémies qui ont décimé certains élevages, crise économique avec une inflation qui fait monter les prix de leurs achats en pesticides ou autres produits. “S’y ajoute une crise morale en arrière-plan, une crise de confiance envers les politiques, les agriculteurs se sentent désarmés”, a-t-il dit lors d’une interview sur France Bleu Occitanie en mars dernier.
François Purseigle constate la propagation de la grogne dans toute l’Europe avec des manifestations en Belgique, en Pologne, aux Pays-Bas: “À l'échelle européenne le point commun se trouve dans la fragilisation d’une forme d’exploitation agricole familiale de taille moyenne”.
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Le dernier recensement agricole de 2020 fait apparaître que 100 000 exploitations ont disparu en dix ans et d’après la MSA (Mutualité sociale agricole) d’ici 2030, c’est-à-dire six ans, la moitié des exploitants agricoles vont partir à la retraite, ce qui posera le problème de la reprise ou de la disparition de ces structures.