Du FN au RN, le Rassemblement national plonge ses racines dans l'idéologie néofasciste.  /  Photo : AA (AA)

Pour comprendre le tollé suscité par le plaidoyer du président du parti “Les Républicains” en faveur d’une alliance avec le Rassemblement national, il faut remonter aux origines de ce dernier parti politique.

C’est dans les années 70 que les mouvements d'extrême droite donnent de la voix en France. Bien que largement minoritaires au sein de la société française, ils s’illustrent davantage sur le champ politique par la violence.

Parmi les mouvements les plus en vue de l'extrême droite française figure le mouvement Ordre nouveau. Revendiquant son identité néofasciste, il est violemment hostile aux syndicats et partis politiques, mais favorable à l'instauration en France d’un État fasciste.

Pour y parvenir, il faudrait d’abord fédérer tous les mouvements défendant cette idéologie et trouver un appareil politique pour donner corps à ses idées. François Duprat y travaille.

Naissance du FN

Le 5 octobre 1972 marque la création du FNUF, le Front national pour l'unité française. L’acronyme sera abrégé en FN. Le consensus se fait autour de la personne de Jean-Marie Le Pen qui est désigné président.

Par le passé, il avait fait ses preuves en soutenant des idées d'extrême droite. Afin de marquer son nationalisme, M. Le Pen défend l'idée d’une Algérie française, alors que le pays revendique son indépendance. Il combat même au sein de l'armée française en Algérie en 1957.

Pendant six mois, il s’engage en tant que volontaire avec le grade de lieutenant. Défenseur zélé de la “grandeur de la France”, il est même soupçonné d’actes de torture en Algérie. Dans son autobiographie “Fils de la nation” (Ed. Muller) 2018, il tente de se défendre.

“ (...) Alors, oui, l'armée française a bien pratiqué la question pour obtenir des informations durant la bataille d'Alger, mais, nuance-t-il, les moyens qu'elle y employa furent les moins violents possible. Y figuraient les coups, la gégène et la baignoire, mais nulle mutilation, rien qui touche à l'intégrité physique”,admet-il.

Au nom de la “grandeur de la France” , il fait l’apologie de la torture pratiquée par l’armée française en Algérie.

“(...) Il est plus que ridicule, il est pervers, il est profondément immoral, de jeter l'opprobre sur des hommes qui ont le courage d'utiliser sur ordre, pour obtenir le renseignement qui sauvera des civils, des méthodes brutales qui leur pèsent, qui leur coûtent”, tranche-il.

En 1948, bien avant son engagement en Algérie, il distribuait déjà un journal pétainiste, explique, au journal Le Monde, l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême droite.

Admirateur du maréchal Pétain qui collabora avec le régime nazi d’Adolf Hitler, Le Pen tente de réhabiliter une figure honnie en France, en justifiant l’armistice signée entre Berlin et Vichy.

“Celui-ci était légal et légitime, il avait passé avec le Reich un acte régulier et contraignant“, souligne-t-il, parlant du gouvernement de Vichy et de “la draconienne convention d'armistice” à laquelle était liée la France.

Le Maréchal, poursuit Jean-Marie Le Pen dans ses mémoires, “avait l'écrasante responsabilité de s'en accommoder pour permettre à quarante millions de compatriotes de survivre. (...) Que l'on puisse discuter ensuite de la politique de collaboration, de ses fautes, de ses excès, à condition qu'on examine les fautes et les excès de tous, je le veux bien, mais cela ne remet pas en cause ce que je viens de décrire”.

Le premier bureau politique du FN comprend des personnalités moulées dans l'idéologie de l'extrême droite.

Outre Jean-Marie Le Pen (président), s’y trouve Brigneau (ancien de Ordre nouveau, vice-président). Journaliste, il a appartenu à “la milice”, un groupe paramilitaire du régime collaborationniste de Vichy suscité par Hitler.

Alain Robert (Ordre nouveau, secrétaire général) et Roger Holeindre (secrétaire général adjoint) ont appartenu à des groupes violents d'extrême droite.

Pierre Bousquet (trésorier) a combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale dans la Waffen SS, une branche d’élite de l’armée nazie qu’il a intégrée en août 2043. Son zèle sur les divers champs de combat nazis en Europe le propulse au grade d’officier, en janvier 2044.

Et enfin, Pierre Durand (trésorier adjoint), l’un des défenseurs acharnés du maintien de l'Algérie au sein de la France.

Entame manquée

L'entrée du FN dans la scène politique française est difficile. Aux législatives de 1973, il obtient moins de 1% des voix. 0,52% de voix précisément. Le discours basé sur la xénophobie sur fond racial en brandissant la menace des étrangers ne passe pas. Le souvenir des crimes nazis, étant encore présent dans les esprits, souligne Nicolas Lebourg.

Dès les années 80, le FN abandonne la rhétorique xénophobe et raciste. Son nouveau narratif privilégie la question du coût social de l’immigration, malgré le négationnisme de Jean-Marie Le Pen. Il considère les chambres à gaz des nazis comme “un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale”.

Le FN, partout, trouve un électorat et commence à engranger en moyenne 10% de voix. Le parti connaît une crise majeure en 1999 lorsque Bruno Mégret quitte le navire et crée le Mouvement national républicain (MNR) .

En 2011, Marine Le Pen hérite du parti et exclut son père en 2015. Trois ans plus tard, en 2018, le FN devient le Rassemblement national (RN).

Aujourd’hui, Marine Le Pen préside le groupe RN à l'Assemblée nationale française, avec ses 32 députés, soit 15% de l’effectif. La montée en puissance du RN en France s’est illustrée par la victoire aux élections européennes avec 31,37% des suffrages exprimés, soit 8 points de plus que lors du dernier scrutin, en 2019, et 21 points supplémentaires en vingt ans.

En 2002, Jacques Chirac avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen dans l'entre-deux-tours de la présidentielle et exclu toute alliance “quelle qu’en soit le prix”.

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22 ans plus tard, en 2024, le patron de LR, Eric Ciotti, milite pour “une alliance avec le RN” pour les législatives anticipées du 30 juin.

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TRT Français et agences