Les dégâts sur l’image de la France sont là. A un an des Jeux olympiques de Paris, le pays offre, de crise en crise, un spectre inquiétant: celui d’un pays où les scènes de violence se succèdent toujours plus intenses, les colères s’accumulent, les pillages scandaleux choquent et l’ordre en pâtit.
Après la crise des gilets jaunes, scandée de violences (2500 manifestants blessés, 3200 condamnations et 320 enquêtes ouvertes à l’IGPN) et les protestations contre la réforme des retraites qui ont duré des mois, ce sont maintenant les protestations violentes suscitées par la mort de Nahel, 17 ans, tué par la police, qui ont plongé la France dans le chaos. Depuis plusieurs jours, des dizaines de villes sont le théâtre de violences urbaines et les images font le tour du monde via les réseaux sociaux.
En quatre mois, le président français Emmanuel Macron a même été contraint d’annuler deux visites diplomatiques à cause de l’atmosphère tendue dans son pays. Après avoir reporté la visite d’État de Charles III en France à cause des manifestations contre la réforme des retraites, Macron a renoncé à son voyage en Allemagne suite aux émeutes qui ont eu lieu dans tout le pays.
La presse internationale se penche sur les émeutes
Vue de l’étranger, la France semble vivre une guerre "civile". "Le monde regarde avec incrédulité la France se déchirer", commente The Telegraph soulignant que "Macron perd le contrôle", dans sa parution du samedi 1er juillet. "Si cela ressemble à un mauvais maintien de l’ordre, c’est parce que c’en est un", lance le quotidien britannique
Les émeutes représentent un "vrai problème pour Macron", écrit El Mundo qui y voit aussi "un avertissement pour le reste de l’Europe".
"40.000 policiers n’arrivent pas à maîtriser le chaos", a écrit le quotidien allemand Bild Zeitung alors que La Frankfurter Allgemeine Zeitung considère que "parmi les nombreuses crises qui ont marqué"la présidence de Macron, "celle en cours est la plus dangereuse".
De l’autre côté de l’Atlantique, le New York Times a mis en lumière le "profond ressentiment" des banlieues envers la police et le sentiment d’abandon des populations concernées.
"Les scènes de violences et de pillages ternissent l’image de la France", affirme la Tribune de Genève et auront "des conséquences politiques "pour Macron qui a été "humilié".
Le quotidien algérien El-Watan a de son côté qualifié de "soif de justice des banlieues" pour décrire les émeutes.
Mise en garde des ambassades
La plus grande réaction est venue de la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme Ravina Shamdasani qui a mis en cause la police française. "C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination parmi les forces de l’ordre", a-t-elle déclaré.
Les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient de leur côté appelé leurs ressortissants à éviter les zones de rassemblement. "Ces manifestations, ainsi que les protestations spontanées, devraient se poursuivre et pourraient devenir violentes. Les citoyens américains doivent éviter les rassemblements de masse et les zones d'activité policière importante", ont déclaré les Etats-Unis en publiant une "alerte de sécurité".
"Les lieux et le moment des émeutes sont imprévisibles", a prévenu le ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni, qui a incité ses concitoyens à "suivre les médias", "éviter les zones où se déroulent les émeutes" et "suivre les recommandations des autorités".
L'ambassade de Turquie à Paris a conseillé vendredi à ses ressortissants en France et à ceux qui prévoient de s'y rendre, d'être prudents face à la violence généralisée.
L'ambassade de Norvège a, elle aussi, exhorté à la prudence : "Ces derniers jours et ces dernières nuits, il y a eu des émeutes dans plusieurs endroits en France, y compris à Paris. Les voyageurs norvégiens sont encouragés à prendre les précautions nécessaires, ainsi qu'à rester à l'écart des grandes foules et des manifestations"
Samedi, le ministère algérien des Affaires étrangères a demandé au gouvernement français d’"assumer pleinement son devoir de protection" envers les Algériens de France, se disant "soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil".
L’Iran a appelé le gouvernement français à "mettre fin au traitement violent" de sa population et à faire "preuve de retenue" alors que le consulat général de Chine à Marseille a émis une protestation auprès des autorités françaises après l’attaque d’un bus transportant des touristes chinois.
Le tourisme impacté
Alors que la saison touristique d’été en est à ses débuts, de nombreux touristes annulent leurs voyages en raison des couvre-feux imposés dans de nombreuses villes, de la suspension des transports en commun en début de soirée et de la possible annulation d'événements.
Depuis la mort de Nahel, les hôtels et restaurants observent une nette augmentation des annulations. Pour Jean-François Rial, le patron de l'Office de tourisme de Paris, ces émeutes sont "un vrai risque" pour l'image de la France et pour la saison touristique d'été.
"Sur début juillet, je pense qu'on est déjà autour des 20-25 % d'annulations à Paris sur la clientèle internationale, et je ne serais pas étonné que ce soient les mêmes chiffres pour l'ensemble de la France ", poursuit Jean-François Rial.
Alors que l’image du pays est déjà bien dégradée et les émeutes ont causé "au moins 20 millions d'euros de dégâts" en Ile-de-France, les yeux sont braqués vers un rendez-vous : la fête nationale du 14 Juillet à laquelle Macron a convié le Premier ministre indien Narendra Modi.