"Ce n'est pas un budget d'austérité", répètent en chœur les ministres de l'Economie, Antoine Armand, et des Comptes Publics, Laurent Saint-Martin, à propos d'un texte conçu pour taxer les Français les plus fortunés et les grandes entreprises.
Une rupture avec la ligne suivie depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée qui fait grincer le camp présidentiel, fragile partenaire au sein d'un gouvernement dirigé par un ténor des Républicains au terme de deux mois d'atermoiements engendrés par des élections législatives qui ont achoppé d'un pays éclaté comme rarement sous la Ve République.
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Entre la pression des marchés, qui surveillent une France surendettée dont le déficit public atteindra 6,1% du produit intérieur brut (PIB) cette année, et celle du Rassemblement national en mesure de la faire tomber, l'équipe au pouvoir a une marge de manœuvre très étroite.
"Ce sera un budget difficile, sérieux et responsable", répète Michel Barnier, qui a survécu mardi à une première motion de censure des députés de gauche, que le RN n'a pas votée.
Objectif du PLF : ramener à 5% le déficit public en 2025, puis à 3% d'ici 2029 conformément aux exigences de Bruxelles.
Sur les 60 milliards à trouver, 40 milliards proviendraient de réductions des dépenses publiques et 20 milliards de hausses d'impôts. Un effort conséquent qui s'ajoute aux 10 milliards d'économies décidées par le gouvernement précédent.
Parmi les pistes figurent le report de janvier à juillet de l'indexation des retraites, source d'environ quatre milliards d'économies, la fusion de certains services publics et une baisse du nombre de fonctionnaires.
L'idée d'augmenter les taxes sur l'électricité - en partie compensée par un recul des prix de l'énergie sur les marchés - est aussi sur la table.
Côté fiscalité, 65.000 foyers aisés seraient imposés à hauteur de deux milliards d'euros supplémentaires, a prévenu Michel Barnier, qui a aussi évoqué quelque 300 entreprises mises à contribution pendant un an ou deux.
"Pas assez de réformes et trop d'impôts” juge Attal
Opposée à toute hausse d'impôt, l'ancienne majorité a lancé d'autres idées à l'instar de l'ex-Premier ministre Gabriel Attal, qui a suggéré à son successeur de signer le décret réformant l'assurance-chômage préparé par ses soins.
"Le gouvernement pourra compter évidemment sur notre soutien dans la tempête", a déclaré mercredi devant la presse celui qui dirige désormais le groupe Ensemble pour la République au Palais-Bourbon.
"Nous avons en revanche des divergences sur quelques moyens. La crainte, c'est que le budget n'intègre pas assez de réformes et trop d'impôts" a-t-il ajouté.
L'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin propose quant à lui de faire travailler les fonctionnaires 37 heures au lieu de 35 et de supprimer un jour férié.
"On est très attentifs au fait que les décisions (budgétaires) ne cassent pas le moteur de la croissance", a déclaré jeudi l'ancien ministre délégué aux Comptes publics et député EPR Thomas Cazenave sur France 2.
Côté opposition, la gauche dénonce un budget néfaste pour les services publics et le Rassemblement national accuse le gouvernement de poursuivre la politique menée jusqu'ici.
Le projet de budget du gouvernement "est un désastre pour la vie quotidienne des Français et aussi pour l'économie parce que ça va avoir un effet récessif", a jugé jeudi la députée La France Insoumise (LFI) et présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, Aurélie Trouvé, sur France inter.
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a quant à lui regretté que l'effort fiscal demandé aux plus riches et aux grandes entreprises ne soit que temporaire.
"On est sur une trajectoire qui n'est pas du tout une trajectoire pour les plus riches. C’est une trajectoire pour tous les autres, et ce ne sera pas temporaire", a-t-il dit sur Franceinfo.
"Ce sont des économies de bout de chandelles, ils ne font preuve d'aucune imagination", a déploré pour sa part le député RN Philippe Ballard.
Le débat budgétaire, qui commence vendredi matin en commission des Finances, s'annonce vif.
"Assumer nos responsabilités c'est prendre le risque d'être impopulaire", a dit à Reuters Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l'Assemblée.
Le 3 octobre sur France 2, Michel Barnier a évoqué un éventuel recours à l'article 49.3 de la Constitution pour adopter le budget in fine à la fin de l'année.
"Je souhaiterais qu'il puisse être adopté par l'Assemblée nationale", a-t-il dit. "Mais si on n'y arrive pas, on utilisera le 49.3, qui est un outil de la Constitution".