Le président français Emmanuel Macron a de nouveau mis sur la table la question de l'exportation des armes françaises à Israël en appelant, samedi, à la suspension des livraisons à Israël d'armes utilisées dans le conflit à Gaza. “À mon avis, la priorité aujourd'hui est de revenir à une solution politique et de mettre fin aux livraisons d'armes pour alimenter les combats à Gaza”, a-t-il déclaré sur France-Inter précisant que “la France n'en fournit pas”. Est-ce vraiment le cas ?
Plusieurs organisations non gouvernementales et parlementaires français ont exprimé à plusieurs occasions leur opposition à ces ventes, pointant du doigt le risque que ces armes soient utilisées dans des actions susceptibles de violer les droits de l’homme, voire de faciliter des actes potentiellement génocidaires.
Amnesty International a adressé en février une lettre ouverte au président français pour demander l'arrêt immédiat des livraisons d'armes à Israël, arguant que la France avait la responsabilité de prévenir tout génocide. Des parlementaires, dont Mathilde Panot et Fabien Gay, ont également interpellé le gouvernement pour obtenir des détails sur ces exportations en 2023, mais sans succès. De même, en janvier, plusieurs grandes ONG, y compris Human Rights Watch et Oxfam, ont fait un appel similaire. Cependant, sous la pression du ministère des Armées, le tribunal administratif de Paris a refusé d’examiner les requêtes demandant la suspension de ces ventes d’armes.
Bombes, roquettes et missiles
Malgré ces pressions, les liens militaires entre la France et Israël restent forts. Les exportations d'armes manquent de transparence, et les détails précis des livraisons restent inconnus. Un rapport parlementaire de 2022 indique que, sur les dix dernières années, la France a vendu pour 208 millions d'euros d’équipements militaires à Israël.
Sébastien Lecornu, alors ministre des Armées, a reconnu lors d'une audition à l'Assemblée nationale en février, que la France livrait à Israël des équipements relevant de la catégorie ML4, qui inclut des bombes, roquettes et missiles. Il a toutefois précisé que ces composants, lorsqu’ils sont autorisés, sont destinés à un usage strictement défensif. Il a notamment cité les composants utilisés dans le système de défense antiaérienne "Dôme de fer" israélien, affirmant que seules des pièces élémentaires, comme des roulements à billes ou des capteurs de pression, avaient été livrées.
Impossibilité de vérifier l’utilisation des composants
Cependant, en mars, la question a refait surface lorsque les médias Disclose et Marsactu ont révélé que la France avait fourni à l'entreprise israélienne IMI Systems des composants pour mitrailleuses, spécifiquement des maillons M27, suffisants pour assembler 100 000 cartouches pour le fusil israélien Negev 5. Lecornu a confirmé ces livraisons, précisant que la licence concernait uniquement des composants destinés à la réexportation vers des pays tiers. Toutefois, Disclose a souligné l'absence de contrôle sur place, ce qui rend impossible de vérifier si ces composants ont été utilisés par l'armée israélienne.
Stéphane Audrand, expert en contrôle du commerce des armes, a précisé que la France vendait surtout des pièces détachées dans deux domaines : l’optronique et les composants pour missiles antiaériens, qui peuvent être utilisés dans différents systèmes israéliens comme "Fronde David".
Des doutes subsistent quant à l'utilisation finale de ces composants.On rappelle à ce sujet une plainte déposée en 2014 par une famille palestinienne contre une entreprise française après la découverte d’un de ses composants dans un missile israélien responsable d’un bombardement meurtrier.
La Cour internationale de Justice a signalé un risque de génocide à Gaza, ce qui devrait en théorie contraindre les pays exportateurs, comme la France, à suspendre leurs ventes d'armes à Israël. Toutefois, contrairement aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, la France n’a toujours pas modifié sa politique d’exportation.
De plus, des entreprises françaises comme Airbus, Thalès et Dassault maintiennent des partenariats avec des entreprises israéliennes sur des projets militaires. Thalès a par exemple travaillé avec l’israélien Elbit Systems sur le drone Watchkeeper qui permet de fournir des données précises de localisation des cibles, facilitant les frappes. Dassault coopère de son côté avec Elbit Systems pour les avions Falcon et investit également dans des entreprises israéliennes, comme JVP.