Quinze agriculteurs venus à Paris en voiture et portant le bonnet jaune de la Coordination rurale ont été verbalisés, lundi soir. Patrick Legras, porte-parole de la coordination rurale, ne décolère pas : “On touche le fonds avec ce gouvernement, quand on voit qu’un agriculteur qui est à Paris par solidarité, pour vivre de son revenu, sans rien faire, rien qu’en se baladant, sans rien dégrader, il se prend une amende de 135 euros. “
200 agriculteurs s’étaient regroupés à Orveau (Essonne) pour rejoindre ensuite la capitale française, mais les forces de l’ordre les ont bloqué. Il n’est pas question d’abandonner le mouvement, la mobilisation, insiste le porte-parole de la Coordination rurale tout en clamant : “On ne lâchera pas.”
Et comme prouver que le mouvement continue, la Coordination rurale des Hautes-Alpes a mené, ce mardi, une action coup de poing en déversant des produits avariés devant les services de l'Etat à Gap. De cette transhumance stoppée aux portes de Paris, les agriculteurs sortent amers et en colère. Certains estiment avoir été traités comme des délinquants.
Le Premier ministre propose un rendez-vous le 13 janvier prochain, mais Patrick Legras lui répond : “ On veut des décisions, on ne veut pas de rendez-vous, on a eu des dizaines de rendez-vous. On veut des signatures, des engagements”. Le gouvernement a, d’ores et déjà, annoncé qu’il reprend les mesures négociées par le précédent gouvernement : allègements fiscaux, abandon du relèvement de la fiscalité sur le gazole non routier et allègements de charges sont également inscrits dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, principalement pour l’emploi de saisonniers.
La Coordination rurale veut plus, elle souhaite un changement de philosophie agricole. Elle demande la défense d’une “exception agriculturelle” française, qui maintient les petits exploitants qui ne peuvent se lancer dans la course à la production industrielle destinée aux marchés mondiaux.
“ Ça fait un an qu’on attend”
La Coordination rurale est donc logiquement contre le Mercosur, ce contrat de libre-échange signé avec cinq grands pays d’Amérique du Sud, tout comme la Confédération paysanne. Le principal syndicat agricole, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) demande uniquement des aménagements de l’accord.
”La messe n’est pas dite”, a essayé de rassurer Emmanuel Macron lundi devant la réunion de rentrée des ambassadeurs.
La France, en effet, le juge "inacceptable" et estime que les agriculteurs du Mercosur doivent respecter les normes environnementales et sanitaires en vigueur dans l'UE, pour éviter une concurrence déloyale.
Patrick Legras ne se fait pourtant pas d’illusions. La France, seule, ne peut stopper la ratification de cet accord, dit-il. Il rappelle que les clauses-miroirs (clauses qui imposent les mêmes règles de production aux pays exportateurs vers l’UE), censées protéger les producteurs européens ne sont pas très efficaces. Les contrôles des biens importés ne sont pas systématiques.
Ensuite, il attire l’attention sur le fait que même non ratifié un accord de libre-échange peut commencer à être mis en œuvre une fois signé, comme ce fut le cas avec le fameux CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), l’accord signé avec le Canada.
“Ça fait un an qu’on attend, si le gouvernement actuel met trop de temps, pour nous, ce sera trop tard ; après on retourne dans les champs.” Patrick Legras n’oublie pas que certaines exploitations ont besoin de ces aides négociées avec le gouvernement Barnier, aides qui n’ont jamais été actées.
La Coordination rurale craint une nouvelle “guerre de censure” qui laisserait encore une fois les agriculteurs sans solution ou mesure d’urgence.
Et surtout, le syndicaliste insiste bien sur un point : “On ne veut pas des prêts sans intérêt, on veut des prix corrects. Cette volonté d’avoir des prix de plus en plus bas, ça fait mal à tout le monde”.
La campagne pour les prochaines élections des membres des Chambres d’agriculture commence aujourd’hui. Les agriculteurs vont élire leurs représentants du 15 au 31 janvier. Patrick Legras est confiant sur le fait que le monopole de la FNSEA va s’effriter.
La Coordination rurale souhaite que les lois européennes soient leur seul cadre législatif : “On a des députés qui nous mettent des lois plus exigeantes, nos gouvernements vont trop loin. On dit non“.