La holding Thales SA a été mise en examen pour "complicité de corruption" (Reuters)

Les groupes français Thales et DCNI abattent mardi devant la cour d'appel de Paris, une de leurs dernières cartes pour éviter un potentiel procès sur des soupçons de versement de pots-de-vin en marge de la vente de sous-marins à la Malaisie en 2002.

La chambre de l'instruction doit se prononcer sur plusieurs requêtes en nullité engagées par les deux entreprises.

Au coeur de cette instruction vieille de dix ans, des contrats de consultants conclus en marge de la vente pour près d'un milliard d'euros à la Malaisie en 2002, après plusieurs années de négociations, de deux sous-marins Scorpène et d'un sous-marin Agosta par DCNI --alors détenue à 100% par l'Etat et désormais filiale de Naval Group--, alliée avec Thales --l'un des principaux groupes de défense mondiaux.

La justice française soupçonne certains de ces contrats d'avoir été utilisés comme paravents pour verser des pots-de-vins au ministre malaisien de la Défense de l'époque, Najib Razak, afin qu'il choisisse l'offre française.

Un de ces contrats prévoyait le versement par DCNI de 30 millions d'euros à la filiale Thales international Asia (Thint Asia), au titre de frais commerciaux à l'exportation (FCE).

Thint Asia a versé une somme comparable à une autre société, Terasasi, soupçonnée par la justice d'être une coquille vide dont l'actionnaire principal était un proche de Najib Razak, Abdul Razak Baginda, pour des activités de conseil à la réalité discutée.

DCNI, filiale de Naval Group, est poursuivie depuis septembre 2020 pour corruption active d'agent public étranger et complicité d'abus de confiance.

Perquisitions contestées

La holding Thales SA, après ses filiales Thales International (Thint) et Thint Asia, a été mise en examen en janvier dernier pour "complicité de corruption active d'agent public étranger".

Devant la chambre de l'instruction, Thales, ses filiales et DCNI demandent pour des raisons procédurales la nullité de plusieurs actes, parmi lesquels des perquisitions du début des années 2010 dont les saisies ont irrigué la procédure.

Selon une source proche du dossier, le parquet général a requis la confirmation de l'essentiel de la procédure, sauf une des perquisitions.

Thales "est confiant quant à l'issue finale qui sera réservée à cette procédure dans son entier", a indiqué récemment à l'AFP son avocat, Me Nicolas Huc-Morel.

"Sur le fond, DCNI conteste fermement la commission d'une quelconque infraction en lien avec la conclusion du contrat malaisien", a pour sa part souligné le groupe dans un commentaire transmis à l'AFP.

Ces saisines de la juridiction d'appel sont l'un des derniers moyens des mis en cause pour contester les investigations.

Thales rejette la présence d'indices graves ou concordants ayant justifié sa mise en cause ainsi que celle de ses deux filiales.

En septembre 2020, Thint Asia avait indiqué "n'avoir jamais été informé d'un quelconque paiement qui aurait pu être fait par Terasasi au profit d'un homme politique".

Corruption alléguée

Le groupe souligne en outre que la holding et ses filiales sont des "entités juridiques distinctes et autonomes", la première ne devant pas être mise en cause pour les activités des secondes.

Élément cardinal de leur défense, Thales et DCNI estiment enfin que l'enquête n'a pu prouver les mouvements de fonds finaux au profit de M. Razak - il les a lui-même démentis - et ne constitue selon eux qu'un dossier de corruption alléguée sans corruption démontrée.

La magistrate instructrice Aude Buresi reconnaissait en creux l'absence de cet élément de preuve, indiquant ainsi en septembre 2020 qu'"aucun mouvement financier ne permet d'établir le versement de commissions au profit directement de M. Razak par M. Baginda".

Mais elle précisait que, au vu du dossier, "il était évident pour DCNI que la question du versement de commissions à destination du ministre de la Défense et de son conseiller étaient acquis".

Les deux groupes assurent aussi de la réalité du travail de conseil, arguant de plus d'une centaine de réunions et des milliers de pages de rapports provenant de Terasasi réalisés dans le cadre du contrat.

Si la cour d'appel faisait droit aux requêtes des deux groupes, la nullité des saisies tirées de ces perquisitions pourrait affaiblir le dossier, alors que les investigations sont closes et le Parquet national financier (PNF) doit prendre ses réquisitions.

AFP