L'impopulaire réforme des retraites et sa mesure phare, le recul de l'âge de départ à 64 ans, ont été validées vendredi par le Conseil Constitutionnel français, au grand dam des oppositions et des syndicats, déterminés à continuer la lutte.
Les neuf "Sages" du Conseil, gardien des institutions, ont validé l'essentiel du texte, censurant certains aspects secondaires de la réforme, et rejeté un projet de référendum demandé par la gauche.
Cette décision, à laquelle l'exécutif et les syndicats étaient suspendus depuis plusieurs semaines, ouvre la voie à la promulgation rapide de la loi.
Elle est censée clore une crise qui dure depuis plus de trois mois. Mais réunie en soirée, l'intersyndicale a appelé le président à ne pas promulguer la réforme.
"Ce soir, il n'y a ni vainqueur ni vaincu", a tweeté de son côté la Première ministre Elisabeth Borne.
Le président Macron avait pour sa part, avant même la décision du Conseil, invité les syndicats à le rencontrer mardi, dans l'optique de restaurer un dialogue inexistant depuis trois mois.
Mais ces gestes d'apaisement pourraient tourner court.
Les syndicats ont fait savoir qu'ils ne rencontreraient pas l'exécutif avant le 1er mai, fête du Travail pour laquelle ils appellent à "une journée de mobilisation exceptionnelle". Et les oppositions ont immédiatement promis de poursuivre le combat contre ce texte.
- Craintes d'éruption sociale –
"La lutte continue", a réagi le patron de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, tandis que la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen estimait que "le sort politique de la réforme des retraites n'est pas scellé".
Le chef du Parti communiste Fabien Roussel a, lui, appelé l'exécutif à "ne pas promulguer" cette loi.
"Je crains l'éruption sociale, je crains aujourd'hui le débordement", a-t-il mis en garde, alors que certaines manifestations ont été marquées par des violences, surtout depuis le passage en force du gouvernement, qui a utilisé en mars une disposition constitutionnelle (dite 49.3) pour faire adopter le projet sans vote.
Le président du parti de droite traditionnelle LR, Eric Ciotti, a pour sa part appelé "toutes les forces politiques" à "accepter" la décision du Conseil constitutionnel.
Rassemblés sur le parvis de l'Hôtel de ville à Paris, des centaines d'opposants ont accueilli cette décision par des huées.
"On va continuer bien sûr, on va amplifier les manifestations, avec ou sans l'intersyndicale. Le temps va jouer pour nous. Macron sera obligé de reculer", assurait John Barlou, un homme de 37 ans sans emploi.
La police redoute des débordements. Selon une note des services de renseignement territoriaux consultée par l'AFP, 131 actions sont attendues vendredi soir.
Retranché derrière des barrières anti-émeutes, le Conseil constitutionnel lui-même était sous bonne garde. Toute manifestation aux abords de son siège, dans une aile du Palais Royal, au coeur de Paris, est interdite jusqu'à samedi matin.
La Comédie française, voisine du Conseil, a annulé ses représentations de vendredi.
Des blocages se sont poursuivis par ailleurs dans le pays: perturbation de la circulation autour de Rouen (ouest), blocage d'une plateforme alimentaire dans la banlieue de Strasbourg (est)...
L'essoufflement de la contestation, qui agite le pays depuis mi-janvier, était manifeste depuis plusieurs jours, notamment lors de la 12e journée d'action jeudi.
Mais la colère reste vive même si l'exécutif espère, avec ce dénouement, reprendre la marche de ce second quinquennat de M. Macron, sérieusement entravé dès sa première année.
Les décisions du Conseil ne sont pas susceptibles de recours.
La France est l'un des pays européens où l'âge de départ à la retraite est le plus bas, mais avec des systèmes très différents.
L'exécutif justifie son projet par la nécessité de répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population, mais les opposants le jugent "injuste", notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles.