Il n’en fallait pas plus de la part de la FIFA pour créer un premier bad buzz autour de la Coupe du monde 2030. Mercredi dernier, l’instance mondiale du football a annoncé que le 2030 se déroulera en Espagne, au Portugal et au Maroc, avec en prime, des matchs d’ouverture en Argentine, en Uruguay et au Paraguay, pour célébrer le centenaire de la première édition qui s’était tenue en Uruguay en 1930.
Pour la première fois de l’histoire de la Coupe du monde, la compétition se déroulera donc sur trois continents. Une décision qui fait déjà débat sur les réseaux sociaux parmi les amateurs de football.
Un clin d’oeil qui fait polémique
Les mots de l'entraîneur du RB Leipzig, Marco Rose, sont révélateurs de l'incompréhension entourant la décision de la FIFA d'organiser la Coupe du Monde 2030 sur trois continents : “ À un moment donné, nous jouerons sur l'Everest parce que nous pourrons y créer un terrain de jeu et le commercialiser.”
L'Uruguay, le Paraguay et l'Argentine avaient initialement proposé leur candidature pour accueillir la Coupe du Monde 2030. L'un des arguments clés de leur candidature était que la première édition avait eu lieu en Uruguay, et organiser la compétition dans ce pays pour célébrer son centenaire aurait été un hommage significatif.
“On est dans une course au toujours plus grand”, tranche Antoine Miche, directeur général et président de l’association Football Écologie France, dans une interview pour Ouest-France, avant de continuer : “Avant c’était un pays, ensuite plusieurs pays, puis un continent avec la Coupe du monde 2026 (Canada, Mexique et États-Unis) et maintenant trois continents… À chaque fois on augmente l’empreinte carbone de l’évènement puisque 80 % de cette dernière sur un évènement comme ça, ce sont les transports et notamment l’avion.”
"Le Conseil de la FIFA, représentant la communauté mondiale du football, a pris à l'unanimité la décision de célébrer de la manière la plus appropriée le centenaire de la Coupe du Monde de la FIFA", se justifie le président Gianni Infantino. L'instance a donc opté pour la tenue des trois premiers matchs en l'honneur du centenaire, avec un match d'ouverture à Montevideo, "au stade où tout a commencé".
Le reste du tournoi est donc attribué à "la seule candidature" retenue par la FIFA, composée du trio Portugal-Espagne-Maroc. "Je suis convaincu qu'ensemble, nous organiserons la meilleure Coupe du Monde de tous les temps", a déclaré Pedro Rocha, président de la Fédération Espagnole de Football. La FIFA, de son côté, promet un Mondial avec une "empreinte unique", un événement "accueillant et rassembleur, célébrant le beau jeu, le centenaire et la Coupe du Monde ensemble."
Dans une démarche de diplomatie sportive, la majeure partie du tournoi aura lieu en Europe et en Afrique du Nord, tandis que les trois premiers matchs se tiendront en Uruguay, au Paraguay et en Argentine pour marquer le centenaire de la première Coupe du Monde. Si cette approche vise à concilier les intérêts de toutes les parties, cet objectif s’avère difficilement réalisable.
Les fans et les écologistes stupéfaits
Derrière cette décision généreuse de réserver une (petite) portion du tournoi à l'Amérique du Sud, il y a des considérations plus pragmatiques : l'Uruguay et ses partenaires n'étaient tout simplement pas en mesure d'organiser la Coupe du Monde telle qu'elle est devenue aujourd'hui. Cependant, symboliquement, il aurait été inapproprié de priver l'Amérique du Sud de cet événement festif.
“Le prisme écologique est loin derrière le prisme économique”, estime Antoine Miche, avant de poursuivre : “Quand on fait un évènement comme ça pour faire plaisir à six pays, c’est qu’il y a des enjeux géopolitiques. On n’est pas sur une question de symbolique du centenaire de la Coupe du monde. Dans un sens, c’est très logique, quand on voit l’évolution de la compétition. On est sur toujours plus d’équipes et plus de matches, donc il y a moins en moins de pays qui sont en capacité d’accueillir l’ensemble du tournoi.”
Selon les chiffres mis en avant par Forbes, Buenos Aires se situe à plus de 10 000 kilomètres de Madrid, ce qui équivaut à un vol de 12 heures. Cela représente plus de deux fois la distance qui sépare les villes hôtes de la prochaine édition en 2026, Vancouver et Miami, et plus de trois fois la distance qui séparait les deux villes les plus éloignées de Russie lors de l'édition de 2018.
De plus, pour les joueurs, pendant la Coupe du monde, l'Espagne et le Maroc pourraient faire face à une canicule, tandis qu'à Buenos Aires, nous serons en hiver, avec une température moyenne quotidienne de 16 °C en juillet.
“En période estivale, ces pays ont de très hautes températures, ajoute Antoine Miche. Et la réalité du réchauffement climatique, c’est que l’Amérique du Sud et la Méditerranée vont augmenter en termes de température. Ce sont les zones les moins favorisées quand on regarde l’évolution du climat dans les 20-30 prochaines années. On est sur des pays qui, quoiqu’il arrive, vont avoir des températures qui grimpent. Le confort des joueurs est remis en question, la possibilité de jouer les matches aussi. S’il fait 40 ou 50 degrés un jour, il n’y aura pas de match.”
Des grandes difficultés en perspective pour les joueurs
L'Euro 2020 a montré que les déplacements avaient un impact sur les performances des équipes. Le tournoi s'est déroulé dans toute l'Europe, créant des disparités de distances parcourues. Les finalistes, Angleterre et Italie, ont parcouru peu de distance. Le Danemark, demi-finaliste, aussi. En revanche, les équipes ayant dû parcourir de longues distances ont eu des performances moins bonnes, ce qui suggère un lien entre les déplacements et les résultats.
S'adapter aux conditions locales est une composante essentielle des tournois de football. Par exemple, lors de la Coupe du monde de 1986 au Mexique, l'équipe d'Angleterre s'est entraînée en haute altitude dans les hammams du Colorado pour se préparer aux conditions de Mexico et à la chaleur de Monterrey.
Cependant, en se basant sur le calendrier des matches, six équipes participant à la Coupe du Monde 2030 pourraient être confrontées à des déplacements de 16 000 kilomètres de plus que leurs adversaires. De plus, elles devront trouver deux bases d'entraînement, ce qui compliquera leur préparation pour le tournoi.
L’Arabie saoudite tient la corde pour 2034 Derrière ces décisions concernant la Coupe du Monde 2030, la FIFA ouvre la voie à l'Océanie ou à l'Asie pour la 25e édition en 2034.
"Il a également été décidé que, en respectant le principe de rotation entre les confédérations et dans le but d'assurer les meilleures conditions d'accueil possibles pour les tournois, les processus d'appel d'offres pour les éditions 2030 et 2034 seront menés de manière simultanée. Les associations membres de la FIFA des territoires de l'AFC (Asie) et de l'OFC (Océanie) sont encouragées à se porter candidates pour l'organisation de la Coupe du Monde FIFA 2034," a confirmé l'instance mondiale.
Dans cette compétition, l'Arabie saoudite a été la première à se porter candidate, officialisant sa candidature par le biais du Prince héritier, Mohammed ben Salmane qui a déclaré : "La volonté du Royaume d'accueillir la Coupe du Monde 2034 reflète la renaissance globale que nous avons connue à tous les niveaux, faisant de nous un leader mondial et une destination de choix pour accueillir le plus grand événement sportif au monde."
Salmane ben Ibrahim al-Khalifa, président de la Confédération asiatique de football (AFC), avait déjà signalé en début d'année que l'Arabie saoudite était en train de préparer sa candidature en coordination avec la FIFA. Plusieurs médias étrangers avaient également évoqué que l'Arabie saoudite se concentrait principalement sur l'édition 2034, abandonnant ainsi ses efforts pour l'édition 2030.