Le président français Emmanuel Macron (g) et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse conjointe au palais présidentiel, le 25 août 2022 à Alger (AFP) (Others)

Abdelmadjid Tebboune vient d’être réélu à la tête de l’Algérie, dans un scrutin anticipé, avec près de 94,65% des votes exprimés. Malgré un faible taux de participation (48%) et des irrégularités relevées par les équipes de campagne de l’ensemble des candidats, le suffrage s’est prononcé pour celui qui briguait à l’âge de 78 ans un second mandat à la tête d’un pays à l’arrêt depuis la chute de son ancien dirigeant Bouteflika. Les Algériens espéraient tant avant son élection il y a quatre ans : ils n’avaient pas beaucoup plus d’espoirs à l’approche de cette nouvelle élection. Alors que la presse algérienne saluait le couronnement de celui qui conduirait le pays vers une «Algérie nouvelle», ils sont nombreux dans le pays, aujourd’hui, à sourire du score sans appel du Président réélu. Beaucoup de ceux-là ne se sont même pas déplacés, considérant le résultat comme couru d’avance.

Ce n’est un secret pour personne en Europe comme en Méditerranée : la relation entre la France et l’Algérie est conflictuelle depuis longtemps. Il y a eu des hauts et des bas, mais depuis quelques semaines, la lettre d’Emmanuel Macron au roi du Maroc, Mohammed VI, reconnaissant implicitement la souveraineté du Maroc sur le Sahara, a fini de déterrer la hache de guerre entre les deux pays. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, Paris a dû rebattre les cartes de ses fournisseurs en hydrocarbures et a cru bon, naturellement, de miser sur l’Algérie. Pariant, dans le même temps, sur la carte de la realpolitik et des intérêts d’Etats, Macron espérait obtenir de la part de l’Algérie davantage de gaz naturel. Mais l’Italie était passée avant et le plus grand pays d’Afrique n’a pas daigné faire davantage d’efforts pour faire plaisir à la France. Pourtant, plusieurs années après, Macron a été un des premiers à avoir félicité le président Tebboune pour sa réélection. C’est une stratégie d’amadouement alors que les relations entre les deux pays sont au plus bas. Depuis la fin juillet dernier, il n’y a plus d’ambassadeur d’Algérie à Paris.

Il faut dire que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017 et l’affaiblissement du Quai d’Orsay, la politique étrangère hexagonale, dictée depuis la cellule diplomatique de l’Eysée, à l’égard du Maghreb est difficile à suivre. Un temps accolé à l’Algérie pour des raisons stratégiques, Paris a dynamité en septembre 2021 sa relation avec Rabat, réduisant de moitié les visas pour les ressortissants marocains vers la France, et refusant d’emboiter le pas à Donald Trump, alors président des Etats-Unis, reconnaissant en décembre 2020 le Sahara comme purement marocain. Il allait de soi pour Rabat que Paris ferait de même mais rien.

Il est vrai que depuis plus de vingt ans, Rabat est un éleve modèle en termes de lutte contre le terrorisme et d’ouverture au continent africain. Pendant que l’Algérie a disparu des écrans radars de la politique africaine comme de son intégration, le roi Mohamed VI a réinscrit le royaume chérifien dans son africanité et développé ses infrastructures, comme à Tanger, pour faire de son pays la porte d’entrée majeure du commerce africain. Alors que Paris lui tournait le dos, le Maroc continuait de tisser des relations puissantes avec ses voisins du continent. Depuis la chute de Bouteflika et la fin du mouvement Hirak, l’Algérie stagne. Les espoirs de changement profonds en Algérie pour le peuple n’ont jamais eu lieu. Alors que la chute de l’ancien Président devait ouvrir un nouveau chapitre de modernisation, d’ouverture et de démocratisation du pays, rien n’a fonctionné comme espéré. Tebboune est apparu et a été élu Président en 2019 à 75 ans. Né en 1945, il est un pur produit du système du FLN, reproduit et reproduit encore. Macron tente de relancer le dialogue avec son homologue algérien après l’avoir énormément déçu à la suite de l’envoi de ce courrier l’été dernier, reconnaissant le Sahara marocain. Saluant «la relation exceptionnelle» qui unit les deux pays, le Président français cherchait à mettre en avant les atouts de ce dialogue : histoire, économie, culture, éducation, énergie, sécurité.

Pas sûr que tous ces salamaleks suffisent pour relancer la relation Paris-Alger. En effet, le conflit qui oppose depuis des décennies le Maroc et l’Algérie est bien celui du Sahara. Macron a tranché et fait le choix du royaume chérifien d’un point de vue géostratégique. Comment Tebboune pourrait-il lui pardonner ?

Or, les défis de Tebboune sont nombreux : économie, société, fonction publique, sécurité alimentaire, diversification de l’économie. L’Algérie, régulièrement positionnée du côté de ce Nouveau Sud global dont on parle tant, porté notamment par la Chine et la Russie, cherche d’autres alliés que ceux occidentaux, plus proches du Maroc. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Et c’est pour cela que Tebboune n’est pas aussi radical en matière d’économie avec Paris. Si Alger a réduit drastiquement ses échanges avec l’Espagne, dans la foulée de sa reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, elle ne l’a pas encore fait avec la France. Il faut dire que l’Algérie fournit tout de même 12% des importations de gaz naturel à Paris et qu’elle est fortement dépendante (voire totalement) de ces ressources. Mais aussi parce que les échanges commerciaux entre les deux pays n’ont jamais été aussi élevés : près de 12 milliards d’euros en 2023 ! De quoi hésiter à couper totalement le cordon qui représente aussi une bouteille d’oxygène pour l’Algérie.

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