Deux militants indépendantistes de Nouvelle-Calédonie ont été incarcérés à Nouméa / Photo: AFP (AFP)

L'un des deux militants placés en détention provisoire à Nouméa est Joël Tjibaou,est l'un des fils du leader kanak Jean-Marie Tjibaou, assassiné en 1989.

"Le fait qu'il ne soit pas parti en France est un soulagement", a commenté son avocate Claire Ghiani auprès de l'AFP.

Joël Tjibaou avait été interpellé, mercredi dernier, avec dix autres personnes soupçonnées d'avoir commandité les violences touchant l'archipel du Pacifique sud depuis la mi-mai après le vote d'un projet de loi constitutionnelle réformant le corps électoral pour le scrutin provincial prévu fin 2024.

Sept de ces militants, dont Christian Tein, le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), ont été transférés en métropole en vue de leur incarcération, et deux autres ont été placés sous contrôle judiciaire.

Parmi les chefs de mise en examen figurent ceux de complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux.

Deux des onze mis en examen, Joël Tjibaou et Gilles Jorédié, avaient sollicité un débat différé devant le juge des libertés et de la détention, qui a eu lieu ce mardi.

A l'issue, le juge a décidé de leur détention provisoire au centre pénitentiaire de Nouméa (Camp Est), ont indiqué à l'AFP Me Ghiani et Me Stéphane Bonomo, conseil de Gilles Jorédié.

"La justice est revenue à plus de sérénité", a estimé Me Bonomo, même si son client "n'est pas à l'abri" selon lui de voir l'administration pénitentiaire "décider unilatéralement et en catimini" de le mettre dans "un avion militaire" pour la métropole.

"Le fait que mon client soit détenu au Camp Est peut être perçu comme une volonté d'apaiser les choses", a souligné Me Ghiani.

Les deux avocats ont dit faire appel du placement en détention provisoire de leurs clients.

"Déportations" de militants kanak

Les autorités accusent la CCAT d'avoir fomenté les émeutes, ce que réfute ce mouvement né à l'automne 2023.

Le camp indépendantiste refuse la réforme électorale, qu'il accuse de réduire le poids politique de la population autochtone kanak. Le projet de loi a été suspendu par Emmanuel Macron trois jours après sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale.

Mais les troubles perdurent dans le territoire océanien, qui a connu ces six dernières semaines les plus graves violences survenues localement depuis les années 1980. Elles ont fait neuf morts, selon le dernier bilan des autorités, et des dégâts matériels considérables (incendies, destructions, pillages...).

Un regain de tensions a été constaté après le transfèrement en métropole, dans la nuit de samedi à dimanche, des sept militants indépendantistes dont la CCAT a exigé la "libération" et la "retour immédiat".

Lors d'une conférence de presse associant, ce mardi, la plupart des mouvements indépendantistes, le secrétaire général de l'Union calédonienne, Dominique Fochi, a dénoncé les "déportations" de militants kanak dans l'Hexagone.

"Ce sont des pratiques coloniales et ces pratiques que l'on voit aujourd'hui, ce sont les mêmes que celles de 1984-1988, c'est grave", a-t-il fustigé, estimant que "ce gouvernement a cassé 36 ans de paix en trois jours".

"Macron est en train de nous pousser à la guerre civile pour ses intérêts électoralistes et financiers", a accusé un autre responsable indépendantiste, Jean-Marie Ayawa, lors de cette conférence de presse organisée à la tribu de la Conception au Mont-Dore, sur des terres coutumières.

Dans le camp loyaliste, Nicolas Metzdorf (Renaissance), député sortant et candidat aux législatives, a jugé la situation "plus tendue que jamais".

"Lorsque l'on considère l'état de fatigue et d'exaspération extrêmes dans lesquelles sont plongés les Calédoniens, on est en droit de craindre que le pire, l'irréparable, survienne", a-t-il écrit dans un courrier adressé au haut-commissaire de la République, Louis Le Franc.

AFP