Au deuxième jour d'une visite qu'il entend tourner "vers l'avenir", le président français âgé de 44 ans a souligné qu'il n'était pas lui-même un "enfant de la guerre d'Algérie" (1954-1962), dont on marque cette année le soixantième anniversaire.
"J'entends souvent que, sur la question mémorielle et la question franco-algérienne, nous sommes sommés en permanence de choisir entre la fierté et la repentance. Moi, je veux la vérité et la reconnaissance. Sinon, on n'avancera jamais. Je ne suis pas un enfant de la guerre d'Algérie. Cette histoire, on dit la regarder en face avec courage et lucidité. C'est ce que je fais depuis cinq ans", a déclaré devant la presse Emmanuel Macron, récemment réélu pour un second quinquennat.
Pour le président français, dont des propos tenus en septembre 2021 sur le pouvoir algérien et la "rente mémorielle" ont tendu les relations bilatérales, "cette histoire ne peut pas reposer sur des mensonges, des oublis et des récits que l'on veut opposer l'un à l'autre. Sinon on construit l'impossibilité d'une amitié franco-algérienne."
"Cette jeunesse n'a jamais connu la guerre. C'est un travail de confiance", a insisté le président, dont le programme comprend la visite d'un cimetière mais aussi des rencontres avec des entrepreneurs et de jeunes Algériens, à Alger et Oran.
"Nous nous sommes engagés en bonne foi. Je crois en la parole du président. Pour la première fois nous l'avons décidé ensemble et nos historiens vont avancer ensemble", a-t-il ajouté en référence à ses entretiens avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.
Mercredi soir à Alger, Emmanuel Macron avait évoqué le passé "complexe" et "douloureux" entre les deux pays et annoncé la création d'une commission mixte d'historiens qui permettra de "regarder l'ensemble de cette période historique qui est déterminante pour nous, du début de la colonisation à la guerre de Libération, sans tabou".
L'historien de l'Algérie Benjamin Stora, auteur d'un rapport sur la " réconciliation des mémoires", fait partie de la délégation présidentielle.
Macron veut être "plus souple" sur l'immigration "choisie"
Le président français a également traité des questions d’immigraton et dit qu’il souhaitait "travailler ensemble" avec son homologue algérien, pour être "plus efficace" dans la lutte contre l'immigration clandestine et en même temps "plus souple" sur l'immigration "choisie".
"Ce que nous avons décidé, c'est de travailler ensemble et avec aussi une certaine confiance collective (...). On va être très rigoureux pour, ensemble, lutter contre l'immigration clandestine et les réseaux et être beaucoup plus efficaces pour prévenir et pouvoir raccompagner (les clandestins, ndlr) plus efficacement", a déclaré Macron.
"Et nous souhaitons avoir une approche beaucoup plus souple sur l'immigration choisie, c'est-à-dire les familles de binationaux, mais aussi les artistes, les sportifs, les entrepreneurs et les politiques qui nourrissent la relation bilatérale", a-t-il ajouté.
"Dans ce cadre-là, on souhaite pouvoir améliorer les délais" d'obtention des visas et "si on simplifie un peu les procédures, (ça permet) d'avoir une lisibilité plus rapide et d'éviter d'engager trop de frais", a fait valoir le chef de l'Etat.
La question des visas fait partie des sujets "sensibles" et sources de "tensions" entre les deux pays, a reconnu le président français.
"C'est un dossier sur lequel on a longuement parlé hier, jusqu'au milieu de la nuit, avec le président" algérien, a souligné Emmanuel Macron, "et sur lequel nous avons mandaté nos ministres et donc qui va avancer dans les prochaines semaines et prochains mois".
Il a estimé que ce dossier nécessitait "précaution", "exigence" et "délicatesse communes" pour éviter les "malentendus".
Paris a réduit de 50% le nombre de visas accordés à l'Algérie - comme au Maroc - pour mettre la pression sur des gouvernements jugés trop peu coopératifs dans la réadmission de leurs ressortissants expulsés de France.
L'Algérie aide à "la diversification" des approvisionnements en gaz de l'Europe
Emmanuel Macron s'est egalement félicité qu'Alger aide "à la diversification" des approvisionnements en gaz de l'Europe, en augmentant ses exportations vers l'Italie.
"Nous ne sommes pas en compétition avec l'Italie" sur le gaz algérien, a assuré M. Macron dans des déclarations à la presse, en soulignant le "faible poids du gaz dans le mix énergétique" de la France. Au contraire, a-t-il dit, "je remercie l'Algérie" d'avoir augmenté les volumes injectés dans le gazoduc qui approvisionne l'Italie.
"C'est bon pour l'Italie, c'est bon pour l'Europe et ça améliore la diversification de l'Europe", auparavant trop dépendante du gaz russe.
M. Macron a démenti que la France soit "allée à Canossa" pour quémander du gaz à l'Algérie. "La France dépend peu du gaz dans son mix énergétique, à peu près 20%, et dans cet ensemble, l'Algérie représente 8 à 9%, on n'est pas dans une dynamique où le gaz algérien pourrait changer la donne".
Lors d'un sommet algéro-italien à la mi-juillet, un gros contrat pétro-gazier de "partage de production" entre les géants italien Eni, américain Occidental et le français Total, portant sur 4 milliards de dollars, avait été annoncé.
En outre, Alger avait annoncé une nouvelle augmentation d'ici la fin de l'année de ses livraisons de gaz à l'Italie via le gazoduc Transmed, dont elle est devenue le premier fournisseur devant la Russie, après l'invasion de l'Ukraine.
Depuis début 2022, l'Algérie a fourni à l'Italie 13,9 milliards de m3, dépassant de 113% les volumes programmés auparavant.
L'Algérie est le premier exportateur africain de gaz et fournit environ 11% du gaz consommé en Europe.