Après neuf ans de présence militaire au Mali, via l'opération Serval puis Barkhane et quasiment six mois après l’annonce du président Emmanuel Macron, les derniers militaires français ont quitté le Mali via la frontière nigérienne.
"Ce jour, à 13H00 (heure de Paris), le dernier détachement de la force Barkhane présent sur le sol malien a franchi la frontière entre le Mali et le Niger. Il provenait de la plateforme opérationnelle désert de Gao, transférée aux forces armées maliennes depuis ce matin", a annoncé l'état-major des armées, se félicitant que ce "défi militaire logistique majeur" ait été "relevé en bon ordre et en sécurité".
Ce retrait, ordonné le 17 février par le président Emmanuel Macron, a mis un terme à près d'une décennie d'intervention militaire française au Mali, plus grosse opération extérieure de la France.
Sur le plan humain, la France a perdu 59 militaires alors que plus de 2.000 civils ont été tués au Mali, Niger et Burkina Faso depuis le début de l'année, soit déjà plus que les 2.021 recensés pour toute l'année 2021, selon les calculs de l'AFP à partir d'une compilation de l'ONG spécialisée Acled.
Alors que l’objectif de l’opération était de lutter contre la progression des groupes terroristes dans la région, le bilan dressé des opérations militaires reste mitigé voire négatif au regard des objectifs affichés lors du lancement de l’opération en 2014, dont “stopper l’offensive des groupes armés terroristes vers Bamako”.
Si Paris refuse de qualifier les opérations françaises au Mali d’échec et ce malgré près d’une décenie de présence militaire, la question du terrorisme reste pourtant toujours une priorité pour le Mali.
En effet, depuis quelques semaines, le Mali fait face à de nouvelles violences comme l’attaque à Assaylal faisant au moins 20 morts civils, celle à Tessit qui a coûté la vie à 42 militaires ou l’explosion de voiture à Loury entraînant la mort de 5 policiers pour en citer quelques uns.
Le sentiment anti-français à un niveau sans précédent
Les soldats français ont quitté le Mali dans un contexte où le sentiment anti-français s’est installé de manière imposante.
"Il y a toujours eu un sentiment anti-France latent dû à une sorte de condescendance, d'arrogance de la politique française en Afrique qui n'a pas connu de mutation profonde depuis la fin de la colonisation", explique à l'AFP Rodrigue Koné, chercheur à l'Institut des études de sécurité (ISS).
"Il y a eu des erreurs de diplomatie, comme quand la France a empêché l'armée malienne de rentrer à Kidal en 2013. Ce genre d'évènements a été perçu comme de l'arrogance et a renforcé un sentiment patriotique et souverainiste qui revient au galop aujourd'hui” ajoute-t-il.
Depuis quelques mois, les manifestations contre la France se sont multipliées où des personnes ont brûlé le drapeau français en scandant “A bas la France”.
Dernièrement, des manifestants se sont rejoints à Gao pour demander l’accélération du départ des militaires français. "Barkhane dégage", "Barkhane parrain et allié des groupes terroristes", "Aucune puissance étrangère ne fera du Mali son butin", brandissaient des manifestants sur des banderoles.
"Les Forces vives de Gao ont demandé aux autorités maliennes de porter plainte contre les autorités françaises pour complicité dans l'attaque meurtrière de Tessit et toutes autres agressions meurtrières contre les populations et les Forces de défense et de sécurité maliennes" a déclaré Abdoul Karim Samba, porte-parole des Forces vives de Gao.
Le gouvernement de la Transition du Mali avait quant à lui exigé, de Macron ''d’abandonner définitivement sa posture néocoloniale, paternaliste et condescendante'' pour comprendre que nul ne peut aimer le Mali mieux que les Maliens eux-mêmes.
“La France, qui a toujours œuvré à la division et à la partition de notre pays, est mal placée pour donner des leçons au Mali” a déclaré le premier ministre Choguel Kokalla Maiga.
Le Mali a également demandé à l’ambassadeur de France de quitter le territoire malien et a suspendu les médias France 24 et Radio France Internationale.
La France reste engagée
Le retrait des forces françaises Barkhane au Mali ne signe pas pour autant la fin de l’opération Barkhane. “La France reste engagée au Sahel, dans le Golfe de Guinée et la région du lac Tchad avec tous les partenaires attachés à la stabilité et à la lutte contre le terrorisme” a indiqué l’Elysée, dans un communiqué de presse.
Au Sahel, le Niger a accepté le maintien d'une base aérienne française à Niamey et l'appui de 250 soldats pour ses opérations militaires à la frontière malienne. Le Tchad continuera à héberger une emprise française à N'Djamena.
Quant au Bénin et au Togo, "il y a une demande d'appui français en matière de soutien aérien, de renseignement et d'équipement", selon l'Elysée.