Entre le 13 avril dernier et le 6 mai courant, plusieurs ONG - parmi lesquelles Amnesty International, Action Sécurité Éthique Républicaine (ASER) et un collectif représenté par ATTAC - avaient saisi le tribunal administratif pour demander la suspension des exportations d’armes et de matériel de guerre de la France vers Israël, en raison du risque d'utilisation contre des civils à Gaza.
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La première requête contestait toutes les autorisations accordées en 2022 pour l'exportation de bombes, missiles et matériels de guerre. La deuxième visait spécifiquement 21 licences d'exportation accordées, la même année, pour du matériel de ciblage et d'imagerie, qui améliorent la vision des soldats de jour comme de nuit. La troisième concernait l'exportation d'équipements pour mitrailleuses.
Mais une note envoyée au tribunal administratif de Paris par le ministère des Armées et obtenue par Disclose révèle que cette demande a été rejetée, le juge ayant repris “mot pour mot” les arguments du ministère.
L’indépendance judiciaire compromise
Dans sa décision, le juge administratif a rejeté ces recours en invoquant que les licences d’exportation ne sont pas des actes administratifs, mais des “décisions politiques relevant de la conduite des relations internationales de la France”.
Le juge a ainsi reproduit “mot pour mot” les arguments du ministère des Armées pour rejeter la demande des associations selon Disclose, qui révèle que dans une note datée du 13 avril dernier, Laurence Marion, directrice des affaires juridiques du ministère, affirme qu’il s’agit d’un “acte de gouvernement qu’il ne faut pas remettre en question” avertissant le tribunal que toute tentative d'ouvrir le débat pourrait être “susceptible de peser sur les équilibres géostratégiques régionaux et internationaux”.
Dans cette note, le ministère des Armées argue en outre que suspendre ces licences affecterait “profondément la relation bilatérale avec [Israël]”.
Pourtant en 2019, le tribunal administratif de Paris s’était déclaré compétent pour examiner des demandes similaires, concernant les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite.
Selon l'arrêt du 8 juillet 2019, le tribunal affirmait que le rejet par le gouvernement de la suspension de livraisons d’armes à l’endroit de l’Arabie saoudite, pouvait être considéré comme “une décision administrative détachable de la conduite des relations diplomatiques de la France” et qu'il pourrait ainsi être “susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir”.
Alors que des pays occidentaux comme l'Espagne, la Belgique, le Canada et les Pays-Bas ont suspendu leurs licences en raison du risque de crimes de guerre, voire de génocide à Gaza selon la Cour internationale de Justice (CIJ), la décision de la France de maintenir ses exportations d'armes vers Israël soulève des questions sur sa responsabilité historique.